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LE 15H17 POUR PARIS

Un film de Clint Eastwood.

 

 

Au secours ! Le patriotisme tel que le conçoit Clint Eastwood, c’est-à-dire un patriotisme particulièrement étroit d’esprit et totalement dénué de nuances, fait à nouveau des siennes ! Pas étonnant que le cinéaste ait apporté son soutien à Donald Trump en août 2016, désignant ce dernier comme le candidat « antisystème » qu’il appelait de ses vœux ! Tous les films qu’il a mis en scène ces dernières années vont dans le même sens, y compris « Sully » qui reste quand même ce qu’il a proposé de meilleur depuis pas mal de temps. Avec « American Sniper » (2015), le ton était donné, celui d’un film écoeurant relatant de la façon la plus bornée le tableau de chasse d’un tireur d’élite s’étant vanté d’avoir abattu 255 personnes lors de la guerre d’Irak.

Aujourd’hui, avec ce nouveau film, le propos semble à la fois plus sophistiqué et plus fédérateur, mais on aurait tort de se fier aux apparences. Clint Eastwood est fasciné par les héros, et il ne viendrait à l’idée de personne de priver de ce titre ceux qui, au péril de leur propre vie, ont empêché un massacre de masse dans un Thalys le 21 août 2015. Leur héroïsme ne saurait être mis en cause, bien évidemment, mais se servir de cet évènement, mais utiliser ces héros pour délivrer un message tendancieux n’est pas acceptable. De plus, sans le moindre scrupule, Clint Eastwood, en mettant en scène, dans ce film, les véritables protagonistes du drame, a interféré sur le cours de l’instruction de cette affaire.

Mais qu’importe au cinéaste qui, dans ses œuvres récentes, se soucie comme d’une guigne de la recherche de la vérité, puisqu’il ne montre jamais qu’un seul point de vue, celui des Américains ou, plus exactement, d’une certaine catégorie d’Américains. Il s’agit d’exalter des héros valeureux qui n’ont pas froids aux yeux et qui deviennent ainsi des icônes patriotiques. Le drame du Thalys, de par sa durée, n’occupant qu’une petite partie du film, Clint Eastwood remonte le cours du temps, mettant en scène les trois futurs héros à l’époque où ils se sont connus, au collège de Sacramento, puis, plus tard, devenus des jeunes hommes, à l’époque où ils ont fait des choix de vie et, enfin, au cours de leur périple en Europe, juste avant de monter dans le Thalys. Ces longues séquences, plutôt banales et assez ennuyeuses, ont manifestement pour but de nous faire comprendre qu’on a affaire des gens ordinaires. Les héros ne surgissent pas d’une élite, soit, mais ils ont quand même la particularité d’avoir été éduqués selon des valeurs très américaines, deux d’entre eux choisissant une carrière dans l’armée. De plus, pour enfoncer le clou et mettre dans nos crânes de stupides spectateurs qu’on a affaire à de bons garçons américains (l’héroïsme étant strictement réservé aux hommes chez Eastwood), l’un d’eux est montré faisant sa prière, et pas n’importe quelle prière, celle de St François (« Là où est la haine, que je mette l’amour », etc.), prière qui est prononcée une deuxième fois en conclusion du film. Eh oui, le bon héros américain est aussi un bon chrétien, il semble même être guidé providentiellement vers le Thalys, sa mère lui ayant révélé, avant son départ pour l’Europe, qu’elle l’avait vu allant vers un grand destin ! Pas de hasard chez Eastwood : les héros n’ont pas nécessairement été des élèves studieux au temps de leur scolarité, mais ce sont tous de bons garçons, ils aiment jouer à la guerre, et si certains sont, en plus, de bons chrétiens, que demander de mieux ! Voilà, en tout cas, un cinéaste qui n’a pas peur des stéréotypes ! 

3/10

 

                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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