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LA PRIÈRE

Un film de Cédric Kahn.

 

 

Le critique d’une célèbre revue de cinéma qui s’interroge sur l’opportunité de la réalisation de fictions « bienveillantes avec la foi » et qui s’inquiète d’un possible « chemin des Croisades » n’a manifestement rien compris ni à « L’Apparition » de Xavier Giannoli ni à ce film de Cédric Kahn. Dans les deux cas, on n’a nullement affaire à des œuvres apologétiques ni même à des histoires édifiantes à proprement parler, ce dont je me réjouis. Les deux cinéastes questionnent les rivages de la foi, certes, mais sans rien résoudre de manière évidente. Ils suggèrent plutôt que d’assener des « vérités ». Parler de « croisades » à propos de ces films est, à mon avis, un évident contresens.

Dans « La Prière », un garçon prénommé Thomas (Anthony Bajon), au visage tuméfié, se dirige, dès le premier plan, vers le lieu de sa dernière chance de se libérer de sa dépendance à l’héroïne, un lieu totalement isolé dans la montagne. Dès son arrivée, Marco (Alex Brendemühl) lui en explique le règlement : « Ici, on prie et on travaille. Pas d’alcool, pas de tabac, pas de filles » (ces dernières ayant leur propre centre non loin de là). La discipline quasi monacale imposée aux membres de la communauté ne va pas de soi. Même si « un ange gardien », en l’occurrence Pierre (Damien Chapelle), est chargé de veiller sur son bien-être, Thomas ne tarde pas à craquer. Au point de prendre la fuite. Une fuite qui le conduit jusqu’à Sybille (Louise Grinberg), une jeune archéologue qui parvient à le raisonner et à le ramener au bercail.

A partir de ce moment, Thomas parvient à s’intégrer davantage à la communauté et même à s’y épanouir de plus en plus. Il travaille et prie comme les autres, au point d’apprendre les psaumes par cœur. Une des seules distractions possibles semble être de représenter sur une scène la résurrection de Lazare, ce dont s’acquittent les comédiens improvisés avec un peu de ridicule. Quant à Thomas, il a beau avoir appris ses prières, il n’en a pas moins droit à des paroles pour le moins sévères de la part de sœur Myriam (Hanna Schygulla), la fondatrice du centre.

Cédric Kahn a pris bien soin d’autoriser plusieurs lectures des événements et de conserver une certaine ambiguïté à son personnage. Qu’en est-il de son chemin de foi ? Ses prières sont-elles sincères ? Viennent-elles du cœur ? Ou ne s’agit-il que d’une sorte de mimétisme ? Ces questions, à mon avis, ne se résolvent jamais d’une manière évidente, même après qu’ait eu lieu une scène de « miracle » et même quand Thomas en vient à se demander s’il n’est pas appelé à devenir prêtre ! Si Thomas a effectué un chemin de foi (qu’on peut tout de même supposer réel), en fin de compte il a surtout trouvé son « salut » dans la fraternité et dans la solidarité de ceux avec qui il a vécu. Sa foi est indissociable de l’expérience de bienveillance de ses frères. Et elle a peut-être aussi quelque chose à voir avec Sybille. Comme le note très justement Pierre Murat dans Télérama, on peut comparer le chemin parcouru par Thomas avec celui du personnage central de « Pickpocket » (1959) de Robert Bresson, un film dont la réplique finale est célèbre : « Pour aller jusqu’à toi, dit ce personnage à la femme qu’il aime, quel drôle de chemin il m’a fallu prendre ».  

8,5/10

 

                                                                       Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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