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UN AMOUR IMPOSSIBLE

Un film de Catherine Corsini.

 

 

Au moment de sa parution en 2015, le roman éponyme, ou plutôt l’autofiction, de Christine Angot avait été autant complimentée par les uns que honnie par les autres. Les premiers estimaient qu’on avait affaire à « une romancière captivante et implacable » (critique de l’Express) tandis que les seconds déploraient « une écriture (…) spectaculairement catastrophique » (critique du Figaro). Tout ce monde se trouvera peut-être d’accord aujourd’hui pour admettre que l’adaptation du livre au cinéma par Catherine Corsini est de haute tenue.

Car, quoi qu’on pense des qualités littéraires supposées de Christine Angot, il faut convenir que ce qu’elle a entrepris de relater n’a non seulement rien de banal mais mérite la plus grande attention. Le crime, car c’est bien d’un crime dont il est question dans cette histoire, ce crime qui a pu se perpétrer sans être aussitôt repéré, ce crime n’a pas seulement un caractère privé, il est le fruit abject d’un système qui pervertit les relations, conduisant au mépris d’autrui ceux qui se considèrent comme des êtres supérieurs au point d’estimer avoir tous les droits.

Il ne s’agit pas seulement de répéter que l’amour rend aveugle. Le récit de Christine Angot, parfaitement adapté par Catherine Corsini, va beaucoup plus profond dans les plaies du monde qu’en se contentant d’illustrer ce lieu commun. Pourtant, c’est vrai que Rachel (Virginie Efira), tombée sous le charme de Philippe (Niels Schneider), semble totalement aveuglée par sa passion. Le beau parleur qui, dès leurs premiers échanges, cherche à délester Rachel de sa foi en Dieu en lui faisant lire Nietzsche, son auteur de prédilection, ne tarde pas à parvenir à ses fins. Certes, il prend la précaution, dès le début de leur relation, d’indiquer à Rachel que jamais il ne l’épousera. Il lui dit aussi qu’il n’a nullement l’intention de végéter à Châteauroux, la ville où ils se sont rencontrés. Mais déjà, plus sournoisement, il laisse entrevoir son antisémitisme, ses préjugés de classe, sa suffisance, son désir d’être riche. « Si tu étais riche, ose-t-il avouer à Rachel, je reconsidérerais peut-être ma position et envisagerais un mariage avec toi ! ».

Cet homme, il faudra bien du temps et bien des souffrances à Rachel pour percevoir son vrai visage. Le film se déroule, en effet, sur un grand nombre d’années (et il faut saluer la qualité des costumes et des maquillages qui rendent crédible cette fuite du temps). Quand Philippe se décide à quitter Rachel pour voler de ses propres ailes et courir vers ses ambitions, la jeune femme découvre qu’elle est enceinte. Elle donne naissance à Chantal et, dès lors, cherche à renouer contact avec le père afin qu’il reconnaisse l’enfant et lui donne son nom. Ce combat pour sa fille, elle devra le mener longtemps, sans imaginer une seconde, bien entendu, à quel point il sera funeste à l’enfant. Car, périodiquement, parfois après plusieurs années d’absence, le père réapparaît, d’abord assez indifférent à sa progéniture puis, au contraire, l’enfant ayant grandi et étant devenue adolescente, s’intéressant à elle au point de l’emmener régulièrement séjourner en sa compagnie. Il finit d’ailleurs aussi par accepter de la reconnaître. Or, à partir du jour où Philippe accepte de s’occuper de sa fille, les relations entre cette dernière et sa mère se modifient. Elles deviennent de plus en plus compliquées, de plus en plus tendues. Il faudra pourtant bien du temps pour que la vérité éclate, pour que le vrai visage d’un père indigne, malade d’orgueil, se révèle au grand jour. Terrible divulgation. On ne peut rien imaginer de pire.

Loin d’être un banal mélodrame, le film de Catherine Corsini met en évidence le système pervers qui peut s’établir dans les relations humaines au point de donner à certains un sentiment d’impunité qui les rend capables des pires exactions. Il donne aussi au personnage formidablement jouée par Virginie Efira une grande noblesse. Ni son aveuglement ni ses souffrances ni ses multiples épreuves n’y changent rien : il semble n’y avoir en elle pas une once de haine.  

8/10

 

                                                                       Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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