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ALABAMA MONROE

un film de Felix Van Groeningen

La passion cinéphilique réserve parfois de grandes surprises,  heureuses ou…malheureuses! Voici un film qui,  depuis qu’il est sorti sur les écrans,  il y a plusieurs semaines,  a récolté un concert de louanges presque unanimes.   Les internautes l’ayant vu et le commentant y vont quasiment tous de leur dithyrambe,  vantant à qui mieux mieux les extraordinaires qualités de cette œuvre.   Comment un passionné de cinéma de mon espèce aurait-il pu résister? Impossible!

Je me suis donc décidé,  poussé par ce chœur de laudateurs ne sachant plus quels superlatifs employer pour échapper à la banalité et certain de vivre un grand moment de cinéma,  à voir enfin l’un des films prétendument les plus marquants de cette année! Hélas! Hélas! Quelle déconvenue,  quelle déception,  quel film affligeant et pervers!

Mais comment se fait-il que je sois l’un des seuls spectateurs de ce film à en avoir décelé le projet retors? Mystère…Il faut dire que son réalisateur,  Felix Van Groeningen,  est un grand malin,  un rusé qui connaît les ficelles et qui sait bien par quels moyens on peut,  pour ainsi dire,  mettre le spectateur dans sa poche,  en faire un indéfectible allié qui finira par dire amen à tout! Peut-être a-t-il pris ses leçons chez Michael Haneke,  autre cinéaste qui,  dans certains de ses films,  n’hésite pas à prendre en otage le spectateur!

Car il s’agit de cela,  n’ayons pas peur des mots,  une prise d’otage du spectateur! Felix Van Groeningen s’y prend avec malice:l’air de rien,  il conduit le spectateur où il veut,  jusqu’aux scènes finales où,  si l’on n’est pas un rebelle de mon espèce,  on ne peut que rendre les armes.

De quoi s’agit? Par petites touches et en jonglant constamment avec la chronologie,  le cinéaste nous fait découvrir Didier et Elise,  un couple uni par la passion:passion l’un de l’autre,  passion de la musique country,  et bientôt passion de Maybelle,  l’enfant née de leur union.   Mais le malheur les frappe rudement lorsque survient la terrible maladie,  une leucémie,  dont est atteinte la petite fille.   Ils lutteront,  ils espéreront,  mais en vain.   Et l’on assistera,  médusé,  à leur détresse…

Comment une telle histoire ne submergerait-elle pas d’emotion le spectateur? Felix Van Groeningen,  avec grande habileté,  passe sans arrêt d’une scène heureuse (la rencontre de Didier et Elise,  les concerts de musique country) à une scène éprouvante (la petite fille à l’hôpital…).   Pendant la première moitié du film,  on ne peut qu’être bouleversé.   Mais,  petit à petit,  le rusé cinéaste conduit son monde vers des conclusions hasardeuses et sans appel.   Elise offre à sa petite fille une croix.   Puis,  à plusieurs reprises,  l’on voit à la télévision des discours de George Bush:une première fois au moment des attentats du 11 septembre,  puis lorsque ce dernier explique son refus des recherches sur les cellules souches embryonnaires.   Et enfin,  lors d’un concert de musique country,  à la fin d’une chanson,  Didier hurle aux spectateurs son rejet du Dieu de la Bible et sa détestation de toutes les religions,  accusées d’être rétrogrades et bornées,  puisqu’elles interdisent toute manipulation d’embryon! Et le Pape bien sûr n’est pas exempt,  lui qui va jusqu’à rejeter le préservatif! Or cette éructation de Didier n’est tempérée par rien! Elise tient un discours certes différent de celui de Didier,  mais tellement infantile qu’il devient dérisoire.   Le cinéaste a tellement su nous émouvoir que l’on ne peut plus qu’aquiescer.   Voilà ce que j’appelle une prise d’otage du spectateur:on est quasiment obligé d’adhérer aux propos de Didier! Et tant pis s’ils sont dénués de subtilité et caricaturaux! Le film donne le sentiment que toutes les religions se valent et qu’il convient de les honnir puisqu’elles ne sont composées que de fondamentalistes fanatiques!

C’est donc un film qui,  s’il ne manque pas de séduction dans sa première moitié,  dérape complétement ensuite.   Les dernières scènes sont toutes,  sans exception,  ratées.   Cette dégringolade commence avec une parodie de mariage qui confine au ridicule et trouve son point d’orgue dans le discours de Didier que je viens d’évoquer.   Encore une fois,  même si le réalisateur ne manque pas de ruse,  je ne comprends pas que tant de spectateurs se soient laissés mener par le bout du nez jusqu’à tant applaudir une oeuvre en fin de compte très malhonnête!

3/10

Luc Schweitzer,sscc

Tag(s) : #Films
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