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JAMES LEE BURKE

JAMES LEE BURKE

 

En apprenant, fin avril, l’explosion d’une plateforme pétrolière dans le golfe du Mexique et en imaginant le désastre écologique qui s’ensuivrait inéluctablement, j’ai aussitôt pensé au beau film de Bertrand Tavernier, « Dans la brume électrique », mais aussi à James Lee Burke, l’écrivain dont le cinéaste a adapté l’un des romans et que beaucoup auront découvert à la faveur de ce film. A l’heure où j’écris ces lignes, plus d’un mois après l’explosion, la catastrophe est bien réelle et le pétrole continue de s’échapper du puits endommagé, souillant inexorablement les côtes de Louisiane déjà dévastées, en 2005, par l’ouragan Katrina.

La Louisiane, c’est précisément le théâtre de tous les romans de James Lee Burke, écrivain aujourd’hui âgé de 73 ans et auteur d’une trentaine d’ouvrages. On dit parfois de lui qu’il est le William Faulkner du roman policier : c’est affirmer, me semble-t-il, qu’on a affaire à un grand écrivain, et c’est bien le cas. La plupart de ses livres ont pour personnage central Dave Robicheaux, shérif adjoint de New Iberia, petite ville de Louisiane qui est d’ailleurs la ville natale de l’auteur. Avec un tel personnage, au fur et à mesure de ses enquêtes, nous découvrons évidemment l’envers du décor : la Louisiane telle que la raconte James Lee Burke, ce ne sont pas seulement de belles plages et de profonds et mystérieux bayous, mais « un Etat très pauvre, qui, explique l’auteur dans une interview, détient des records d’illettrisme, de mortalité infantile, de taux de pollution et de corruption ».

Il y a, dans beaucoup de romans de James Lee Burke, une sorte de dialogue ou de va-et-vient entre le présent et le passé, entre l’actualité et l’histoire. Cela est vrai en ce qui concerne le shérif adjoint Dave Robicheaux, marqué, hanté à jamais par son expérience traumatisante de la guerre du Viêt-Nam, par le démon de l’alcoolisme qui en a été la conséquence et par la mort de sa femme, assassinée une nuit par des inconnus. Cela est vrai en ce qui concerne la Louisiane, cet Etat qui, selon James Lee Burke, « est la poubelle de l’Amérique », mais qui porte également le lourd héritage d’un passé esclavagiste et les profondes blessures engendrées par la guerre de sécession. Dans son film, Bertrand Tavernier a magnifiquement su rendre cela, mettre en scène le dialogue entre les vivants et les fantômes surgis du passé.

Dave Robicheaux n’est donc pas seulement l’enquêteur tel qu’on le rencontre chez beaucoup d’auteurs de romans policiers, c’est aussi et surtout un homme en quête de paix intérieure. A cause de cela, à cause de la complexité de ses personnages, mais aussi à cause de son style, on peut affirmer que James Lee Burke est sans nul doute un grand écrivain. C’est aussi, je l’apprends par une interview de Bertrand Tavernier parue dans « La Croix », un homme « engagé dans les combats sociaux, d’éducation, (…) proche d’une communauté de religieuses qui a créé un fonds d’aide pour reconstruire les maisons des pêcheurs et des paysans ravagés par Katrina… ». C’était avant qu’un puits de pétrole explose dans le golfe du Mexique…

NB : tous les romans de James Lee Burke sont parus aux éditions Rivages.

Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Livres
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