Voici une citation superbe, savoureuse, impertinente, mais tellement juste, que je ne résiste pas au plaisir de partager. Je l’ai lue aujourd’hui dans « La Captive aux Yeux clairs », le formidable roman dont je suis en train de lire les dernières pages. Ce roman raconte l’histoire de quelques trappeurs partant à la découverte du Haut-Missouri durant les années 1830-1840. L’un d’eux, Jim, blessé par un Indien et croyant qu’il va mourir, parle ainsi à son compagnon, Boone:
« Tu crois qu’il y a un enfer, Boone ? Ça me faisait presque croire en Dieu, Boone, quand j’entendais Clemens jouer et chanter. Si je ferme les yeux, je l’entends, j’entends les jolies mélodies au banjo et sa voix qui les accompagne, avec les montagnes qui semblent se rapprocher tout autour pour l’écouter. Hi-yi Hi-yi. C’est moins bien quand c’est moi qui chante, mais même une chanson indienne, ça devenait quelque chose dans la bouche de Clemens, comme si elle faisait descendre Dieu du ciel. Moi, au lieu de parler à Dieu, je choisissais l’alcool et les femmes, mais Il semblait être là quand même. Et Il devait se sentir bien lui aussi, de nous voir nous amuser. Il peut pas critiquer ça, ce serait contre nature. Des fois, quand j’étais couché avec une femme, quand la nuit était épaisse et qu’un loup chantait dans les collines, je me disais que Dieu était tout près. Je me disais que c’était un ami, Boone, et pas un salopard coincé qui inscrivait mon nom sur la liste de l’enfer. Des fois, quand je regarde les plaines, si vastes et imposantes que ça donnait le tournis, je me disais que Dieu était là aussi. Qui a fait tout ça, qui a donné des yeux aux hommes pour voir et un cœur pour ressentir, si c’est pas Dieu ?«
B. Guthrie, « La Captive aux Yeux clairs », pp. 375-376.