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LE GAMIN AU VĖLO

un film de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Non, on n’a pas accordé aux frères Dardenne leur troisième Palme d’Or au festival de Cannes ! Ils ont dû se contenter, si je puis dire, du grand prix, ex aequo avec le turc Nuri Bilge Ceylan. On ne peut pas leur remettre, à chaque fois, la récompense suprême, mais force est de constater qu’il n’y a pas eu, jusqu’à présent, la moindre fausse note dans leur parcours. Et « Le gamin au vélo » est sans conteste un film majeur, une grande réussite.

Dès les premières images, le spectateur est happé, pris aux entrailles, par le gamin du titre, Cyril, une boule de nerfs qui se bat et se débat afin de retrouver son père. Ce dernier, en effet, l’a placé dans un foyer d’aide à l’enfance et s’est envolé sans laisser d’adresse. Mais Cyril ne l’entend pas de cette oreille, rien ne peut l’arrêter dans sa quête. Et la rencontre aura lieu : scène poignante entre un fils qui ne demande qu’un peu de considération et d’affection et un père que son enfant encombre et qui voudrait s’en débarrasser !

Ce gamin fragilisé, meurtri, c’est la proie idéale pour un jeune dealer qui cherche à recruter les complices de ses forfaits. Avec Cyril, rien de plus facile : il suffit de le flatter un peu et le voilà prêt à prendre tous les risques, à voler, à frapper, à la place du petit caïd qui joue au protecteur.

Il y a beaucoup de violence dans ce film : Cyril prend des coups et il en donne. Mais il y a aussi et surtout ce mystère : l’irruption de ce qu’on peut appeler la grâce. En l’occurrence, il s’agit de Samantha, la coiffeuse que Cyril rencontre et à qui il demande si elle veut bien l’accueillir chez elle les week-ends. Elle accepte, elle s’attache à ce gamin qui fait volontiers les quatre cents coups. Mais rien ne la décourage, elle ne s’est pas engagée à moitié.

Le film acquiert alors la force et la beauté d’une parabole. Et, comme toujours avec les paraboles, il n’y a pas besoin d’explication. Le récit suffit, les faits parlent avec assez de force. Pourquoi Samantha agit-elle ainsi, pourquoi est-elle prête à tous les sacrifices pour venir en aide à ce gamin ? Quand Cyril lui pose la question, elle est incapable de répondre. Les actes sont plus importants que les discours. Cécile de France, qui incarne Samantha, n’a peut-être jamais été aussi convaincante. Quant au jeune Thomas Doret, qui joue le rôle de Cyril, il crève littéralement l’écran.

Malgré la violence qui court tout au long de ce récit, malgré la détresse poignante du gamin, nous avons sans doute là le film le plus lumineux des Dardenne. Non seulement parce qu’ils ont tourné en plein été, mais surtout à cause de Samantha, personnage à la fois sublime et énigmatique.

9/10

Luc Schweitzer, sscc.

Tag(s) : #Films
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