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LES CHANSONS QUE MES FRÈRES M’ONT APPRISES

un film de Chloé Zhao.

 

Pour les Indiens Sioux de la réserve de Pine Ridge (Dakota du Sud), les perspectives d'avenir s'avèrent pour le moins limitées. Ils ont beau résider sur un vaste territoire, lorsqu'un professeur demande à ses élèves ce qu'ils veulent faire quand ils seront plus grands, la réponse ne varie pas beaucoup. Tous affirment qu'ils seront "monteurs de taureaux", autrement dit qu'ils s'exhiberont à l'occasion de rodéos. Seul Johnny donne une autre réponse: "Je serai boxeur", dit-il.
Ce Johnnny, un des Indiens lakotas de la réserve, est un adolescent qui rêve d'autre chose que de l'horizon qu'il connaît. Pour l'heure, malgré les interdictions liées à l'alcool qui est l'un des fléaux frappant la communauté indienne, il se risque à en faire le trafic. Que faire d'autre? Comment gagner de quoi partir à Los Angeles avec sa petite amie?
Mais les rêves d'une autre vie, d'un autre environnement, ont beau être forts, ce n'est pas si simple de s'en aller. Ce n'est certes pas son père qui le retient puisqu'il vient de mourir accidentellement. Ce n'est peut-être pas davantage sa mère malgré ses larmes, ni son grand frère emprisonné. Mais sa petite soeur Jashaun, sa petite soeur adorée, comment la laisser, comment l'abandonner à son triste sort? Tout le film est habité par cette tension, par cet écartèlement: partir dans l'espoir de vivre une vie meilleure ou rester parce qu'il n'est pas envisageable de délaisser une petite soeur aimée.
Afin de réaliser ce premier film, la réalisatrice, américaine d'origine chinoise, Chloé Zhao, s'est immergée dans la vie, dans les coutumes, des Indiens de cette réserve. Cela transparaît sur chacun des plans du film. Il s'agit bien d'une fiction, mais d'une fiction qui sait préserver et respecter ceux qui sont mis en scène. Cela donne un film à la fois superbe et déchirant, comme ces Indiens qui, même s'ils survivent dans un contexte sinistre, n'ont pas tout perdu de leur dignité, tel le tatoueur tatoué qui apparaît à plusieurs reprises au cours du récit. Pour d'autres, c'est vrai, l'alcool et le désespoir ne semblent plus laisser place à quelque salut que ce soit. Il y a bien la foi chrétienne, elle est sûrement précieuse, mais dans la mesure où elle ne sert ni d'alibi ni de refuge. Quand la mère de Johnny et Jashaun se décide à visiter son fils aîné qui est en prison, elle lui parle de sa foi, elle lui parle de la présence apaisante de Dieu, mais la réponse du fils est cinglante: "pourvu que ce ne soit pas encore un de ceux pour qui tu délaisses tes enfants!"
Restent le beau visage et le superbe regard plein d'espoir de la petite Jashaun! "Tout n'est pas perdu, semble-t-elle nous dire, tout n'est pas perdu pour les Indiens de la réserve de Pine Ridge!

8/10

Luc Schweitzer, sscc.

Tag(s) : #Films
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