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SOUMISSION

un roman de Michel Houellebecq.

 

Le titre même de ce roman aurait dû me mettre la puce à l'oreille! "Soumission": voilà bien un mot qui, parmi tous les mots de la langue française, devrait susciter en chacun la plus grande méfiance. Cela dit, n'ayant encore jamais lu un seul livre ni peut-être même une seule ligne de Michel Houellebecq jusqu'alors, j'ai entrepris de lire cet ouvrage en m'efforçant de ne tenir aucun compte de tout ce que j'avais pu entendre au sujet de l'auteur et, donc, sans le moindre à priori.

J'ai lu et, je dois le dire, j'ai commencé par être séduit. Le narrateur de ce roman étant un professeur de lettres et, qui plus est, un spécialiste de Huysmans, avait tout pour me plaire. L'évocation non seulement de l'auteur d'"A rebours", mais de son "ennemi" Léon Bloy et de bien d'autres écrivains de la fin du XIXe siècle, cela me convenait parfaitement. Ayant moi-même beaucoup fréquenté ces écrivains-là, les ayant lu et relu, je me réjouissais de les voir cités et estimés (positivement ou négativement, peu importe) dans un livre.

Mais, assez rapidement, j'ai été pris de doutes et de gêne: l'évocation de Huysmans et de sa conversion au christianisme n'était-elle pas uniquement illustrative, une façon comme une autre de démontrer qu'aujourd'hui, le christianisme n'étant plus de mise, il convient de se convertir à ceux qui sont ou qui veulent être les maîtres de notre temps, autrement dit les Musulmans! C'est le Huysmans moderne, c'est le Durtal d'aujourd'hui qui se soumet non plus au catholicisme mais à l'Islam! Trois rounds ponctuent le roman: l'affrontement dans les urnes et la montée en puissance du candidat de la Fédération Musulmane face au Front National, la fuite du narrateur dans le Quercy, son retour à Paris et son abdication, sa soumission à l'ordre nouveau.

Est-ce un roman islamophobe? Non pas, à proprement parler. Mais, en mettant en scène un candidat soi-disant modéré dont le premier cheval de bataille est de réformer le système scolaire et d'inciter les femmes à se retirer de la vie publique, ce livre répand une peur diffuse dont on se passerait volontiers, surtout dans le contexte actuel de notre pays et, plus encore, après les récents et dramatiques événements de Charlie Hebdo et du magasin Hyper Casher.

Mais il s'agit surtout et avant tout d'un roman médiocre, écrit d'une écriture très banale, pétri de misogynie, de dégoût et de haine pour l'époque où nous sommes. "Suicide et décadence de l'Europe", "l'Eglise incapable de s'opposer à la décadence des moeurs" et que sais-je encore?... Le pauvre Houellebecq ne sait-il rien d'autre que d'aligner tous ces poncifs? Faire de l'Islam la nouvelle et plus grande force religieuse d'aujourd'hui face à un christianisme qui, ayant connu son âge d'or et son apogée au cours du Moyen Âge, ne cesserait depuis lors de décliner, c'est faire l'aveu de son ignorance et de son étroitesse d'esprit ! C'est méconnaître que le christianisme s'est répandu sur tous les continents et que, s'il semble en effet être en déclin en Europe, il est au contraire très florissant ailleurs dans le monde. Houellebecq ne pense qu'Europe et ne voit ou ne sait voir que la prétendue décadence de ce continent. C'est dans l'air du temps, semble-t-il, chez un certain nombre de supposés penseurs et intellectuels d'aujourd'hui, que de faire ce constat-là. Et qu'a donc à nous proposer Houellebecq ? La soumission ! « … le sommet du bonheur humain réside dans la soumission la plus absolue », affirme Rediger, l'un des personnages du roman. Mon Dieu ! Où sont passés les écrivains de la révolte ?

Ce qui est sûr et qui est en somme consolant, c'est que ce roman vieillira très vite et paraîtra très vite désuet. Qui aura encore l'idée de lire ces élucubrations dans cinquante ans ? Elles ne seront plus que les vaticinations absurdes d'un écrivain aigri en mal d'imagination et qui se croyait malin en pensant la victoire électorale d'un parti appelé « Fédération Musulmane ». Quant aux nombreux noms de people (comme on dit) qui sont cités dans ce roman, qui les connaîtra encore ? Qui connaîtra encore David Pujadas, Stéphane Bern, François Bayrou ou Jean-François Copé, pour ne citer que quelques-uns des noms qu'on trouve dans ce livre ? Un roman déjà daté, je vous dis, déjà vieillot, alors même qu'il vient seulement d'être édité !

 

Luc Schweitzer, sscc

Tag(s) : #Livres, #Romans
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