un film de Hugo Fregonese.
Il convient, pour commencer, de saluer l'impressionnant travail d'éditions de films de patrimoine entrepris, depuis plusieurs années, par les éditions Sidonis/Calysta dont le catalogue s'est enrichi, au fil des parutions, d'une collection de westerns qui fait le bonheur non seulement des amateurs du genre mais de tous ceux qui aiment le cinéma, tout simplement. Beaucoup de ces films, bien que méconnus, méritent d'être découverts, ce que soulignent les commentaires, en bonus, de Patrick Brion et surtout de Bertrand Tavernier (les œuvres présentées par ce dernier étant, en règle générale, les meilleures de la collection).
C'est ainsi que l'on a pu voir (ou revoir) quelques westerns du réalisateur d'origine argentine Hugo Fregonese (1908-1987), le plus intéressant d'entre ses films étant, sans aucun doute, celui à qui l'on a donné le titre français de « Quand les tambours s'arrêteront », un film qui jouit, à juste titre, chez nous, d'une excellente réputation, alors qu'il demeure incompréhensiblement sous-estimé aux Etats-Unis.
On se demande bien pourquoi le film est si méconnu outre-Atlantique car, bien qu'il n'ait manifestement bénéficié que d'un budget modeste, il est doté des multiples qualités qui font qu'un film de genre peut se hisser au rang des chefs d'oeuvre. Sa réussite, il la doit, sans nul doute, à la collaboration du réalisateur et du producteur Val Lewton (un nom que les cinéphiles connaissent et apprécient, tant il a imprimé sa marque sur les films qu'il a produits, « La Féline » -1942- de Jacques Tourneur par exemple).
A première vue, si l'on ne prend en compte que son scénario, « Quand les tambours s'arrêteront » pourrait paraître un film banal racontant une histoire qui n'est pas très originale pour un western, celle des habitants d'une petite bourgade mis en péril par la révolte des Indiens Apaches Mescaleros, guidés par leur chef Victorio. Or ce qui rend le film de Fregonese à la fois passionnant et fascinant, c'est sa réalisation qui se joue de tous les codes et de toutes les règles du genre, leur donnant une allure et des couleurs qui échappent à la routine. Les scènes classiques des westerns s'en trouvent comme métamorphosées. Toute la séquence finale du film, qui adopte le point de vue des villageois retranchés dans une église assaillie par les Indiens, est à la fois exemplaire et sidérante. La magie des couleurs lui donne une impression de fantastique qui laisse pantois.
L'autre grand point fort du film, ce sont ses personnages. Malgré la courte durée (72 minutes) de l'oeuvre, le réalisateur parvient à caractériser quelques-uns des membres de la communauté menacée par les Indiens et à les faire évoluer au fil de l'histoire. C'est le cas du maire de la bourgade, de Sam, un joueur impénitent qui se rend coupable d'un meurtre, ainsi que de Sally, une jeune femme amoureuse de ce dernier mais hésitant beaucoup à se lier pour la vie à un homme de cette espèce. Et c'est aussi le cas du pasteur de la communauté, un personnage à qui le cinéaste réussit à donner une vraie épaisseur et dont on voit changer le regard au fil du récit. Au début du film, il s'associe au maire dans le but d'épurer la ville de ses éléments les plus corrompus (ou qu'il juge tels) : il est de ceux qui sont déterminés à chasser Sam, le joueur assassin, mais aussi les filles légères. Or ce moraliste, à cause des circonstances, se transforme en un homme serviable et tolérant. Des événements font qu'il se retrouve en danger, en compagnie de Sam, dans un endroit désert : ce dernier se confie à lui et le pasteur se rend compte que celui qu'il prenait pour un pécheur endurci révèle une autre facette de lui-même, bien différente. Et, à la fin du film, quand tous les membres de la communauté sont piégés dans une église, tous finissent par dévoiler autre chose que l'apparence. Le pasteur, lui, se met au service des uns et des autres, puis, voyant un Indien (qui avait été auparavant victime de racisme) se mettre à prier à sa manière, il se met à son côté pour prier lui aussi. Ainsi, dans cette scène sublime, l'Indien et le pasteur en viennent à prier côte à côte, eux qui étaient jusque là séparés par les barrières des préjugés.
Pas besoin d'en dire davantage pour signifier à quel point ce western est un film admirable ! Qu'une œuvre, d'apparence si modeste, nous fasse entrevoir qu'on a toujours tort, qui qu'on soit, de juger hâtivement autrui et qu'il ne faut jamais se fier uniquement à l'apparence, ce n'est certes pas quelque chose de dérisoire. Et quand, de plus, la réalisation du film fait preuve de talent et d'habileté, que demander de mieux ?
9/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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Quand les tambours s'arrêteront
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