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ÉTÉ 93

un film de Carla Simón.

Frida n'a que 6 ans quand elle perd sa mère, morte d'une maladie virale, après avoir déjà perdu son père. Recueillie par sa tante Marga et son oncle Esteve, eux-même parents d'Anna, une petite fille plus jeune qu'elle, l'orpheline doit se réinventer un univers tout en portant en elle des questions et des souffrances qu'elle n'arrive pas à exprimer, au moins dans un premier temps, autrement que par des accès de révolte et des désobéissances à répétition, allant même jusqu'à mettre en péril la vie de sa cousine.

Impossible de ne pas évoquer deux autres films qui ont sans doute servi de références à la réalisatrice, puisqu'ils abordent le même sujet. D'une part, il s'agit de « Cria Cuervos » (1976) de Carlos Saura, film dans lequel une fillette de 8 ans est confrontée à la mort de ses parents sur fond d'Espagne franquiste. D'autre part, on ne peut pas ne pas songer à « Ponette » (1996), chef d'oeuvre de Jacques Doillon dans lequel c'est une petite fille de 5 ans à peine qui se refuse à admettre que sa mère est morte, avant qu'une rencontre inattendue et bouleversante lui apporte un apaisement.

Comparé à ces deux grands films, celui de Carla Simón pâlit un peu, mais rien qu'un peu car il est quand même très touchant. La cinéaste a su remarquablement montrer combien c'est le silence (qu'on pourrait dire assourdissant) des adultes qui accroît les souffrances de la fillette. Comment peut-elle trouver la paix intérieure et, peut-être même recouvrer la joie et l'insouciance des enfants, alors qu'autour d'elle personne n'ose parler du drame ? La petite Frida ressent d'autant plus un manque qu'elle est même suspectée, pendant un temps, d'être elle aussi porteuse du virus qui a tué sa mère. Elle a beau n'avoir que 6 ans, elle perçoit bien des choses, et ne peut pas ne pas se révolter ou chercher désespérément, la nuit, sa mère disparue, avec une lampe de poche et des cris.

Il faut du temps et beaucoup de patience pour qu'enfin surviennent des gestes de tendresse, puis des mots, des phrases, des questions et des réponses, et enfin les larmes et les sanglots qui font tant de bien. La sérénité ne peut venir qu'à ce prix, après que la souffrance ait été signifiée par des paroles puis par des larmes. Ce film de Carla Simón le montre avec tant de justesse qu'on en reste saisi d'émotion.

7,5/10

 

Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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