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LA MOUETTE

Une pièce en 4 actes de Anton Tchékhov.

 

 

Cette pièce, dont la première représentation, le 17 octobre 1896, au théâtre Alexandrinski de Saint-Pétersbourg, se solda par un échec, n’en connut pas moins rapidement le succès qu’elle méritait. Dès 1898, dans une mise en scène de Constantin Stanislavski à Moscou, elle fut copieusement acclamée et ne cessa, depuis, d’être considérée, à juste titre, comme l’une des pièces les meilleures et les plus représentatives d’Anton Tchékhov.

Pour la désigner, ce dernier employait le mot de « comédie », ce qui ne laisse pas de surprendre, dans la mesure où nous n’employons plus ce mot qu’à propos des divertissements qui provoquent nos rires. Dans ce sens-là, évidemment, le vocable ne convient ni à « La Mouette » ni à aucune autre pièce de Tchékhov. Mais c’est négliger les autres significations du mot « comédie » qui peut aussi bien s’appliquer à la description ou à la mise en scène de multiples types de personnages et de leurs comportements, à la manière de Balzac qui rassemblait toute son œuvre sous l’expression de « comédie humaine ».

Précisément, d’une certaine façon, les pièces de Tchékhov sont l’équivalent théâtral de l’œuvre romanesque de Balzac. Elles sont la « comédie humaine » mise sur scène. Les personnages qui évoluent dans les pièces du dramaturge russe sont certes typés, mais ne sont jamais caricaturaux, et l’on pourrait trouver sans peine leurs équivalents dans la vie réelle. Tchékhov, sans nul doute, était un observateur minutieux du théâtre de la vie et ses personnages, très probablement, lui ont été inspiré par des individus qui lui étaient proches, qu’il a fréquentés ou dont il a entendu parler.

Dans « La Mouette », on a ainsi affaire à un conseiller d’état à la retraite (Sorine), à sa sœur Arkadina, une comédienne de grand renom, au fils de cette dernière (Constantin Tréplev), un jeune homme qui se targue d’être un grand auteur de théâtre, à Nina, la jeune fille dont ce dernier est éperdument amoureux, à Chamraev, le gérant du domaine, à sa femme Paulina Andréevna et à leur fille Macha, à Trigorine, un homme de lettres réputé, au médecin Dorn et à l’instituteur Medvédenko. Presque des gens ordinaires, pourrait-on dire, en tout cas des personnages davantage préoccupés d’eux-mêmes, de leurs propres rêves ou de leurs propres déceptions, de leur orgueil, de leurs aspirations, voire de leur médiocrité, que de ce qu’éprouve autrui. Chacun reste plus ou moins le prisonnier de ses obsessions et se débat comme il peut pour apaiser son mal de vivre. On se parle, on échange, on joue au loto, on s’occupe, mais avec plus ou moins de superficialité et donc sans être capable de soulager autrui, encore moins d’enrayer l’inéluctable drame qui se prépare. Hormis lors de quelques sursauts de lucidité qu’ils s’empressent de minimiser, les protagonistes semblent ne rien percevoir de ce qui se passe vraiment dans le cœur d’autrui. Ou, s’ils en ont la perception, ils font comme s’ils ne l’avaient pas.

Ainsi va la « comédie humaine » chez Tchékhov. On essaie de donner le change, de faire bonne figure, en se vantant, en courtisant, en rêvant, en se croyant talentueux, en énumérant ses regrets, mais au fond, quasiment tous ces personnages souffrent de solitude et cherchent une reconnaissance qui ne leur est accordée (si c’est le cas) que sur de mauvaises bases. Or ce qui ajoute à la force du théâtre de Tchékhov, c’est que, malgré, ou peut-être à cause de, leurs limites humaines, voire de leur médiocrité, ces personnages restent touchants. Ils sont même bouleversants. Ils le sont parce qu’ils sont vrais, parce qu’on peut se reconnaître en eux, parce que, comme eux, nous savons qu’il nous est difficile de nous préoccuper davantage d’autrui que de nous-mêmes. Et ils le sont aussi parce que, comme toujours chez Tchékhov, il ne faut pas se fier aux apparences : ce que disent les personnages et le peu qu’ils font, leurs paroles et leurs actes, leurs maladresses, laissent deviner, malgré eux, les remous de leur âme. Mieux, peut-être, que tout autre auteur de théâtre, Tchékhov a su respecter les complexités des âmes humaines. Sous leurs dehors de simplicité, de limpidité, ses pièces, et en particulier « La Mouette », mettent les cœurs à nu.

 

                                                           Luc Schweitzer, ss.cc.

 

Deux pièces sont proposées, cette année, par la troupe « Réplic’Pus » de Réseau Picpus :

 

LA MOUETTE d’Anton Tchékhov : lundi 18 et samedi 23 juin à 20h à l’Espace Bernanos 4, rue du Havre 75009 Paris

(N. B. : je joue moi-même, dans cette pièce, le rôle de Sorine !)

 

LE SCHPOUNTZ de Marcel Pagnol : vendredi 15 et mercredi 20 juin à 20h à l’Espace Bernanos 4, rue du Havre 75009 Paris

 

Tag(s) : #Théâtre
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