Un livre de Jean Rolin.
C’est le dernier article paru sur le blog de Bertrand Tavernier qui m’a incité à entreprendre la découverte de Jean Rolin, un auteur dont je ne connaissais jusqu’ici rien de plus que le nom. Sur son blog, en effet, Tavernier, qui écrit beaucoup sur le cinéma, bien évidemment, et, en particulier, sur les films de patrimoine qui sont édités en DVD, évoque aussi, volontiers, ses lectures et, ainsi, commente avec enthousiasme « Le traquet kurde », le dernier ouvrage paru de Jean Rolin, tout en recommandant d’autres livres de cet auteur.
Pour ma part, j’ai donc choisi d’entamer mon exploration de l’écrivain en question par « La Clôture », un livre datant de 2002 qui m’a fait forte impression. L’ouvrage, dont on ne sait s’il faut l’appeler roman, tant il est manifestement imprégné des observations et des rencontres de Jean Rolin avec des personnes bien réelles, mêle audacieusement la grande et la petite histoire, mais en les traitant de la même manière, en les mettant au même niveau. Le regard de l’auteur ne semble jamais condescendant pour qui que ce soit et il traite avec autant d’égards les gens obscurs que les grandes figures historiques.
En l’occurrence, l’écrivain s’aventure dans un mélange des genres qui paraît insolite et presque incongru et qui, pourtant, « fonctionne » à merveille. Tout le livre se construit, en effet, à partir d’une portion des boulevards qui encerclent Paris, précisément celui qui est dédié au maréchal Ney, au nord de la capitale, entre la porte de St Ouen et la porte d’Aubervilliers. Cette dénomination, Jean Rolin la prend en compte en retraçant quelques épisodes de la vie de ce maréchal d’empire, de ses faits d’armes jusqu’à son arrestation, son jugement et son exécution le 7 décembre 1815.
Mais ce qui surprend, à la lecture du livre de Jean Rolin, c’est que, s’il est bien question de ce maréchal d’empire, ce sont aussi et surtout les obscurs et les sans-grades d’aujourd’hui que raconte et décrit l’auteur, autrement dit ceux qui squattent ou qui hantent, d’une manière ou d’une autre, ce quartier déshérité de la capitale, le boulevard Ney et ses alentours, essentiellement des prostituées africaines ou « albanaises », autrement dit provenant de l’est, et des marginaux s’étant retranchés et installés dans ces parages, trouvant refuge dans des piliers soutenant le périphérique par exemple. Rolin prend le temps, dépeint par le menu ces endroits que l’on ignore et ces personnes qui valent autant que tous les maréchaux d’empire. Ces femmes aux destins fracassés, ces hommes aux vies cabossées, l’auteur les a croisés, les a observés, les a parfois rencontrés et leur a parlé. Leur voix se fait entendre dans ce livre, la voix de ceux à qui on ne donne jamais la parole : Gérard, Robert, Roger, Lito ou encore Ginko Trifonova, une jeune bulgare que l’on retrouva assassinée en 1999 sur un talus de la rue de la Clöture. Rolin ose des rapprochements étonnants, celui, par exemple, d’un marginal d’origine algérienne ayant trouvé refuge dans une armoire électrique désaffectée avec les ermites « qui passaient toute leur vie dans une fissure ou à l’intérieur d’un tronc d’arbre » (page 123). Ces hommes, ces femmes, meurtris par les échecs, éprouvés, généreux ou mesquins, l’auteur nous invite à les regarder, simplement, sans jugement, mais à les regarder pour ce qu’ils sont : des frères et sœurs en humanité.
8/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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Sur le COFFRET FEUILLADE (Gaumont), que dire sinon qu'il est indispensable. Que revoir FANTOMAS avec bien sûr Juve et Fandor ou LES VAMPIRES est une expérience envoûtante. Comme ce cinéma tient...