Une exposition de photographies.
L’exposition est gratuite et elle se tient au Pavillon Carré de Baudouin 121, rue de Ménilmontant à Paris 20ème jusqu’au 29 septembre 2018. Elle rassemble une quantité impressionnante d’œuvres de Willy Ronis (1910-2009), un photographe auquel on attribue parfois l’étiquette d’ « humaniste ». Mais peu importe les vocables forcément réducteurs dont on se plaît à affubler les artistes, comme s’il était rassurant de les classer dans des catégories. Ce qui est sûr, par contre, c’est que Willy Ronis a porté un regard complice et attentif sur les humains, oui, et, en particulier, sur les plus obscurs, ceux à qui on n’est que trop tenté de ne prêter aucune attention. Willy Ronis, lui, les a vus, il est allé à leur rencontre et il les a immortalisés en les photographiant.
C’est à partir d’albums conçus par le photographe lui-même qu’a été réalisée l’exposition du Carré Baudouin. Elle met à l’honneur, bien évidemment, le magnifique ensemble de photographies prises dans les quartiers de Belleville et de Ménilmontant à la fin des années 40 et au début des années 50. Ces œuvres composent comme une partition irremplaçable sur le Paris populaire de ces deux quartiers, sur les bistrots, les petits métiers et les petites gens, comme on dit. Nul besoin de préciser que tout ce qu’a photographié Willy Ronis a aujourd’hui quasiment disparu. Ce qu’il en reste, ce sont précisément ces photographies. On ne peut les regarder sans en ressentir une profonde émotion.
Bien sûr, Willy Ronis a photographié beaucoup d’autres lieux et beaucoup d’autres sujets, mais son regard s’est toujours porté, de manière privilégiée, sur le monde populaire. Même dans ses autoportraits, le regard change au fil du temps : après s’être photographié lui-même dans des poses presque précieuses, l’artiste un peu dandy a laissé la place à l’homme « nu » si l’on peut dire, même quand il s’expose portant des flashes. Mais son sujet privilégié, c’est le monde du travail : son regard, il le tourne volontiers vers les ouvriers en lutte et il le fait toujours avec une chaleureuse empathie et, parfois, avec une sorte de clin d’œil de complicité.
Willy Ronis a beaucoup photographié Paris (et pas seulement les quartiers de Belleville et Ménilmontant), mais il a également voyagé, fixant sur la pellicule de nombreuses vues de province et d’autres prises à l’étranger. Partout, on le devine attentif aux petits miracles de la vie ordinaire, à ce qui transforme une scène qui pourrait paraître banale en un tableau admirable et précieux. Tout est dans le regard, bien sûr. Et dans la patience de l’artiste qui a su attendre le moment opportun, le jeu de lumière qui convenait, la petite touche d’inattendu qui étonne et qui émerveille. Partout, le photographe sait percevoir ce qui mérite d’être fixé, à Marseille, en Provence, en Italie, à Prague, dans le Nord, dans le Sundgau alsacien ou encore à Richemont et dans ses environs (c’est-à-dire en Moselle, dans ma région d’origine !) où, par exemple, il photographie, vus de dos et emmitouflés sous leur cape, trois enfants allant à l’école. À Bruges, il se plaît malicieusement à photographier une procession de béguines et, dans une église d’Italie (si je ne me trompe), des dévotes. Le regard est amusé, mais jamais offensant.
Car la dignité jamais ne fait défaut à Willy Ronis. On le devine, on le perçoit, il aime les êtres qu’il photographie et il s’excuse presque d’avoir, en quelque sorte, volé des scènes d’intimité (celles qui montrent des amoureux, par exemple). Ou encore, lorsqu’il photographie des instants de vie familiale (son enfant endormi, par exemple). Ou, enfin, lorsqu’il photographie des nus. Le corps féminin, il le pérennise pour sa beauté et pour les superbes jeux de lumière qui en révèlent la magnificence, mais jamais de manière impudique. Son fameux « nu provençal », qui reste peut-être sa photographie la plus célèbre, provoque à juste titre l’émerveillement.
En grand photographe, toujours attentif aux petits riens de la vie, Willy Ronis nous invite tous à changer de regard. Et si, nous aussi, nous regardions autrement notre environnement. Et si nous étions davantage capables d’attention et de patience. Et si percevions enfin tous les petits miracles qui jalonnent nos journées.
Luc Schweitzer, ss.cc.
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