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LES FRÈRES SISTERS

Un film de Jacques Audiard.

 

 

Dans « Dheepan » (2015), Jacques Audiard filmait les déboires d’un tamoul échoué dans une cité de banlieue comme s’il s’agissait d’un western (et le résultat n’était pas fameux !). Quoi qu’il en soit, Il n’y a rien de surprenant à voir aujourd’hui le même cinéaste s’aventurer du côté du western pur et dur, adaptant, pour ce faire, un roman de l’écrivain canadien Patrick deWitt. Un film qui n’a pas de peine à dépasser en qualité celui de 2015, mais sans parvenir à susciter un plein enthousiasme.

Certes, il faut reconnaître à Jacques Audiard le mérite d’avoir su glisser dans un genre aussi typé que le western quelques touches d’originalité qui en font l’intérêt. Mais pas suffisamment, m’a-t-il semblé, pour éveiller un total engouement.

Le film démarre pourtant avec panache : des coups de feu déchirant la nuit, un cheval s’enfuyant avec la crinière en feu, une grange qui brûle… Ceux qui ont provoqué ce carnage sont les deux héros (si l’on peut employer ce mot) du film : Eli (John C. Reilly) et Charlie (Joaquin Phoenix) Sisters, des tueurs à gage qui, aussitôt leur forfait accompli, se lancent sur la piste d’un prospecteur d’or, un certain Hermann Kermit Warm (Riz Ahmed) réputé pour avoir inventé une formule permettant de trouver à coup sûr le précieux métal dans le lit des rivières.  Or cet homme a déjà été rejoint par le détective John Morris (Jake Gyllenhaal), curieux personnage tenant un journal et se passionnant pour les écrits de Henry David Thoreau. Tous trois, les tueurs à gage comme le détective, on le découvre rapidement, sont engagés par un mystérieux homme se faisant appeler le Commodore et ils ont pour mission d’extorquer, par tous les moyens possibles, même les plus violents, sa formule magique à Warm.

Ce que je viens d’écrire souligne à dessein l’originalité du film qui, tout en revêtant les attributs du western, adopte une allure de conte vénéneux (l’un des personnages étant même visité par une araignée qui lui entre dans la bouche !). C’est sans conteste Warm, le prospecteur d’or, qui, avec son compagnon John Morris, sont les personnages les plus atypiques du film, le premier, approuvé in fine par le second, ne cherchant pas tant à s’enrichir pour son compte personnel qu’à vouloir édifier une société modèle basée sur des valeurs démocratiques. Dommage que ces deux-là soient précisément moins exploités par le cinéaste que les deux frères Sisters, figures beaucoup plus banales, telles qu’on peut en trouver dans de nombreux westerns. Certes, tous deux se débattent avec une culpabilité concernant leur père, mais malheureusement Jacques Audiard a cru bon d’encombrer son film de trop de dialogues, disputes et chamailleries incessantes entre les frères (querelles qui, comme on n’est nullement surpris de le découvrir, cachent une grande tendresse). Ces scènes, trop récurrentes (et, parfois, teintées d’humour maladroit) alourdissent le film.

Bien sûr, comme dans tous les contes qui traitent de l’appât du gain et, en particulier, de la convoitise de l’or, la possession de ce métal se solde par une malédiction. Dans « Les Frères Sisters », la punition s’avère particulièrement cruelle. Aucun personnage ne sort indemne, sauf peut-être le commanditaire en personne, le fameux et mystérieux Commodore qui a trouvé le meilleur moyen d’échapper à toutes représailles.

Jacques Audiard signe là un étrange western, cauchemardesque à souhait, traversé de quelques fulgurances, mais malheureusement encombré de bavardages.

7/10

 

                                                                       Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Western
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