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YOMEDDINE

Un film de Abu Bakr Shawky.

 

 

« Fuis le lépreux comme tu fuirais le lion ». Ce hadith (parole attribuée à Mahomet) est prononcé à deux reprises au cours de ce film qui met en scène un véritable lépreux vivant en Égypte, Rady Gamal, dans le rôle de Beshay. Accueilli dans une léproserie depuis son enfance, sa famille l’y ayant abandonné à cause de la maladie, l’homme, analphabète, n’a d’autre moyen de gagner quelque argent qu’en revendant ce qu’il a pu récupérer parmi les immondices et détritus d’une décharge. Guéri de la lèpre, son corps n’en reste pas moins marqué à jamais par des stigmates qui affectent surtout son visage et ses mains.

Or cet homme ressent comme un appel ou une nécessité intérieure après la mort de sa femme : il décide de retrouver, coûte que coûte, les membres de sa famille, même si, pour ce faire, il faut entreprendre un long voyage jusque du côté de Louxor. Seulement équipé d’une charrette tirée par un âne, Beshay se met en route et découvre, un peu plus tard, qu’il transporte un passager clandestin, un jeune orphelin nubien qui s’est lié d’amitié avec lui et se fait couramment appeler Obama (« comme le mec de la télé ! », dit-il).

Le réalisateur entreprend donc de filmer l’odyssée de cet improbable duo. Il le fait d’une manière certes très classique mais sans jamais se laisser aller à la mièvrerie. Au contraire, le chemin parcouru est semé d’embûches et de difficultés de toutes sortes. Le cinéaste montre combien la lèpre continue de faire peur. Plus d’une fois, l’on s’affole en voyant le visage ravagé de Beshay, ce qui donne à son petit compagnon Obama l’idée de le dissimuler sous un voile qu’il a fixé à un chapeau.

La route des deux parias croise celle d’autres déshérités, mendiants aux corps mutilés ou difformes qui, après avoir réagi dans un premier temps par le rejet, changent leur regard et font preuve de solidarité. Dans leur combat pour la survie, les Égyptiens ne sont ni meilleurs ni pires que les autres : il y a des égoïsmes et il y a de l’entraide. Mais qu’en sera-t-il donc de la famille de Beshay, que ce dernier n’a pas vu depuis quarante ans ?

Il faut saluer l’obstination du cinéaste qui, malgré des difficultés de financement, a réussi à mener à terme ce beau projet, donnant, pour la première fois peut-être dans un film, le rôle principal à un véritable lépreux. « Je suis un être humain ! », s’exclame cet homme en constatant à quel point son apparence fait peur. 

8/10

 

                                                                       Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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