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SIBEL

Un film de Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti

 

 

Tapie dans la forêt profonde, la jeune femme aux aguets que l’on découvre au début du film fait songer à une sauvageonne. Malgré le fusil dont elle est munie, lorsque, après avoir rejoint une cabane, elle descend dans une fosse pour y disperser des viscères d’animaux, il y a de quoi se poser des questions à son sujet. Vit-elle comme une ermite, éloignée du commun des mortels ? En vérité, il n’en est rien puisque, après avoir effectué ses étranges activités, elle rejoint un groupe de femmes travaillant dans les champs.

Or, à Kusköy, le village turc d’où proviennent ces travailleuses, les habitants se sont dotés d’une langue faite de sifflements qui leur permet de communiquer malgré les distances qui peuvent séparer les individus les uns des autres. Sibel (Damla Sönmez), la jeune femme que l’on a découvert depuis le début du film, n’a pas, quant à elle, la capacité d’employer d’autre moyen de communication, car elle est muette. Elle ne s’exprime donc que par des sifflements que tout le monde, au village, peut parfaitement interpréter.

Tous la comprennent donc, mais, en raison de son handicap, tous la craignent et l’excluent. La seule personne dont elle est proche, c’est son père, le maire du village qui, certes, lui fait faire des tâches domestiques, mais tout en lui accordant une certaine liberté d’allure et de mouvement. Or Sibel ne se prive pas de profiter d’un espace de liberté qui est probablement interdit à toutes les autres femmes du village. Elle s’enfonce volontiers dans la forêt, avec son fusil, cherchant à tuer le prétendu loup qui obsède les habitants, ce qui lui permettrait, suppose-t-elle, d’acquérir la mansuétude de ces derniers.

Or, en fait de loup, c’est un homme qui, un jour, lui fait face, un homme qu’elle blesse avant de se raviser et d’entreprendre de le soigner en le gardant à l’abri, dans sa cabane. La présence de cet homme, dont on découvre qu’il s’agit d’un déserteur, ne manque pas de bouleverser la vie de la jeune femme. En risquant sa liberté pour lui, elle met en péril non seulement sa propre personne mais aussi ses proches, son père et sa sœur cadette. Sibel, qui visite parfois une vieille femme isolée attendant et espérant toujours le retour de l’homme qu’elle a aimé au temps de sa jeunesse au point d’en être devenue à moitié folle, réalise tout à coup que c’est peut-être le même sort qui lui est réservé. Elle n’en garde pas moins sa fierté, même quand elle se heurte à l’intolérance des autres femmes du village. Comme le déserteur dont elle s’est éprise, elle conserve, quoi qu’il arrive, le goût de la liberté. Le film tout entier est embelli par la présence d’un tel personnage.

8/10

 

                                                                       Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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