Une pièce de théâtre d’Albert Camus.
Il y a un point commun entre La Mouette d’Anton Tchekhov, pièce que proposait en juin 2018 la Troupe Réplic’Pus (et dans laquelle je jouais le rôle de Sorine), et L’État de Siège d’Albert Camus, pièce que la même troupe présente cette année (et dans laquelle je joue plusieurs des personnages). Ce point commun, c’est que la première représentation de chacune des deux pièces se solda par un four ! Mais la comparaison s’arrête là, car, si La Mouette n’a pas tardé à être reconnue à juste titre comme un chef d’œuvre du répertoire, il n’en est pas de même pour ce qui concerne la pièce de Camus. Elle demeure toujours aujourd’hui l’œuvre théâtrale la moins connue de cet auteur et, si elle est néanmoins quelquefois montée et jouée, personne n’a la prétention, je suppose, de la hisser au même niveau que Caligula ou Les Justes.
Faut-il donc la considérer comme indéniablement mineure, voire ratée ? Non, bien sûr. Si L’État de Siège souffre de quelques imperfections, elle n’en est pas moins une pièce remarquable par bien des aspects et son sujet (on pourrait ajouter : malheureusement) reste brûlant d’actualité. Représentée pour la première fois en octobre 1948, elle prend en compte le contexte politique de l’époque, elle questionne un siècle déjà funestement marqué par les dictatures, voire les totalitarismes, et leurs terribles conséquences. Nul besoin de se perdre en explications pour amener le spectateur d’aujourd’hui à admettre que la pièce a gardé sa pertinence. Les montées des populismes et des extrémismes auxquelles nous assistons de nos jours devraient suffire à emporter l’adhésion quant au bien-fondé de la pièce et de sa présentation sur scène.
À Réplic’Pus, troupe qui ne craint pas de relever des défis, nous faisons ce pari de monter et de montrer cette pièce de Camus, quitte à la dépoussiérer un brin, avec la conviction non seulement qu’elle peut mais qu’elle doit nous interpeller. Pour ce faire, il s’agit d’amoindrir ce que la pièce risque d’avoir de trop didactique, voire de trop théorique, pour donner chair aux personnages, y compris à ceux qu’une interprétation malhabile associerait facilement à des symboles et rien de plus. Le danger, avec cette œuvre de Camus, ce serait d’en faire une pièce à thèse. Or quand on va au théâtre, on n’y va pas pour y entendre un cours de philosophie. Nous nous efforcerons donc de présenter des personnages auxquels on peut s’identifier et non pas simplement des figures abstraites.
Ce point établi, nous ne nous laisserons pas moins toucher par le propos de Camus. Face au mécanisme implacable des oppressions, des dictatures et même des totalitarismes, le courage d’une collectivité (conduite par quelqu'un ayant non seulement de l'audace mais la volonté de se sacrifier si nécessaire) peut changer le cours de l’histoire. Il n’y a rien d’inéluctable. Ou, comme le dit le personnage de la secrétaire dans la pièce, « il y a une malfaçon dans leur machine ».
« Je ne m’explique pas que la pièce n’ait pas eu de succès, écrivait Jean Grenier, l’un des amis d’Albert Camus, Elle est écrite dans une langue très pleine, dans un style très direct qui porte ; et l’émotion doit se communiquer au spectateur comme à l’acteur ». Grâce à de judicieux choix de mise en scène et au jeu subtil des comédiens, nous sommes sûrs, à Réplic’Pus, de partager ce débordement d’émotion avec les spectateurs ! Venez donc nombreux à l’une des trois représentations que nous vous proposons :
Vendredi 14, mardi 25 et jeudi 27 juin à 20h à l’Espace Bernanos 4, rue du Havre 75009 Paris.
Réplic’Pus propose, d’autre part, Andromaque, la célébrissime pièce de Jean Racine, dans une mise en scène talentueuse, samedi 15, mercredi 19 et mercredi 26 juin au même horaire et dans le même lieu.
Prévente des billets :
https://www.billetweb.fr/letat-de-siege-dalbert-camus&src=agenda
https://www.billetweb.fr/andromaque-de-jean-racine&src=agenda
Luc Schweitzer, ss.cc.
Voici le très bref résumé de L’État de Siège tel qu’il a été rédigé par François Regnault :
« L’état de siège est proclamé », ainsi parle le tyran surgi d’on ne sait où, qui vient prendre le pouvoir dans cette ville tranquille, morte, soumise à un Gouverneur dont le désir est qu’il ne se passe rien. L’opportuniste se nomme la Peste. C’est une fable politique. Camus fait le récit alarmant d’une ville qui sombre dans la dictature : aidé de sa secrétaire (la Mort) et de sbires recrutés sur place (un fonctionnaire servile, un nihiliste accompli, un juge corrompu), la Peste fait régner la terreur : suspension de toutes les libertés, réglementations oppressives et contradictoires, la Peste contamine les sujets au hasard. Au sein de la population, un couple de jeunes amoureux, que leur amour inspire et soutient, choisit de se révolter. En échange de sa vie, le héros verra sa bien-aimée lui survivre et la ville sera sauvée. La Peste s’en ira ailleurs.