Un film de Joăo Salaviza et Renée Nader Messora.
Si l’on aime le dépaysement, il ne faut pas rater ce film tourné, en grande partie, dans le village de Pedra Branca, au nord du Brésil, sur le territoire indigène de Krahô, une tribu vivant dans la forêt amazonienne et ayant conservé ses traditions et ses rites. Les premières scènes introduisent d’ailleurs parfaitement à ce constat. La caméra se focalise sur un jeune indigène, dont on apprend plus tard qu’il se nomme Ihjăc, qu’il est marié et père d’un enfant. Mais, pour commencer, on le voit s’enfoncer dans les profondeurs de la forêt jusqu’à parvenir à une cascade. Là, à cet endroit précis, l’homme se met à dialoguer avec quelqu’un dont on ne perçoit la présence que par la voix. C’est son père qu’a appelé Ihjăc, mais, en vérité, c’est l’esprit de celui-ci qui répond et qui demande à son fils d’organiser la fête funéraire qui le délivrera et l’autorisera à aller séjourner au pays des morts. Pour finir, Ihjăc jette un bout de bois dans l’eau, ce qui fait remonter à sa surface des flammes, comme si l’esprit du père daignait enfin apparaître sous cette forme-là.
La suite du film n’est pas moins fascinante, surtout lorsqu’elle montre le village indigène et ses habitants. Car, pour Ihjăc, l’aventure ne consiste pas uniquement en l’organisation de la fête funéraire de son père, mais aussi en une fuite devant une révélation qui l’effraie, qu’il ne se sent pas capable d’assumer. Certains signes, et en particulier la présence d’un perroquet, lui font comprendre qu’il est tout désigné pour devenir chaman. La peur qui s’empare alors de lui le pousse à quitter le village et à s’en aller jusqu’à la ville, laissant derrière lui sa femme et son enfant.
Voilà donc Ihjăc se confrontant à des réalités urbaines qui lui sont étrangères. On lui demande des documents qu’il ne possède pas. Même s’il parle un peu le portugais, il ne comprend pas les gens de la ville, pas plus que ceux-ci ne le comprennent. Ce Brésil-là n’a pas grand-chose de commun avec la réalité de son village de la forêt amazonienne. Ihjăc a voulu fuir son destin, mais, bien sûr, sa place n’est pas à la ville, comme tente de lui faire comprendre sa femme qui s'est décidée, en fin de compte, à entreprendre, elle aussi, le voyage afin de le ramener à Pedra Branca.
Les séquences tournées dans ce village sont, il faut l’ajouter, même si le film n’en parle pas explicitement, d’autant plus précieuses que ces Indiens sont aujourd’hui, plus que jamais, menacés de disparition. L’une des premières mesures prises par Jair Bolsonaro après son arrivée au pouvoir met en péril les territoires où vivent les Indiens d’Amazonie. En les plaçant sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, le président brésilien les livre aux exploitants (qui sont aussi des exploiteurs) sans scrupule. Comme le disent eux-mêmes les Krahôs, « nous sommes en train de vivre notre fin du monde ».
8/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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