Un film de Justine Triet.
Quel talent ! Sans minimiser ni la réalisation ni les divers autres rôles de ce film, on ne peut que faire l’éloge, pour commencer, de la prestation de Virginie Efira dans le rôle-titre. Elle incarne un personnage superbement complexe avec un savoir-faire et une aisance qui tiennent du prodige. On a envie de dire qu’elle le compose comme si avait été écrit pour elle une partition musicale et qu’elle devait jouer, tour à tour, plusieurs instruments sans jamais briser l’harmonie ni interrompre l’élan.
Bien sûr, la réalisatrice, Justine Triet, dont j’avais déjà grandement apprécié les deux précédents films, est pour beaucoup dans une telle réussite. Elle a imaginé et mis en scène une histoire assez alambiquée tout en parvenant à la rendre fluide et évidente à l’écran. Grâce à un découpage judicieux et à des dialogues parfaitement écrits qui lui donnent un dynamisme très approprié, le film captive du début à la fin.
Pour le dire succinctement, Sibyl (jouée donc par Virginie Efira) est une psychanalyste, mère de deux enfants, qui se targue d’écrire un roman et qui, pour ce faire, propose à la plupart de ses patients de poursuivre leur thérapie avec quelqu’un d’autre. Elle pense ainsi pouvoir se consacrer à la rédaction d’une fiction, « ivresse sans danger », explique-t-elle, elle qui est parvenue à se défaire d’une dépendance à l’alcool grâce au soutien des Alcooliques Anonymes.
Or, la vérité, c’est que c’est sa vie elle-même qui se teinte des couleurs d’un roman. Vérité et mensonge s’entremêlent précisément dans une histoire où chaque personnage se révèle comme étant à la fois manipulateur et manipulé. Le comble du romanesque survient lorsqu’une jeune actrice prénommée Margot (Adèle Exarchopoulos) oblige quasiment Sibyl à lui venir en aide. Enceinte d’Igor (Gaspard Ulliel), un des acteurs du film qu’elle est en train de tourner, acteur qui est aussi le compagnon de Mika (Sandra Hüller), la réalisatrice, Margot ne connaît personne d’autre qui soit en mesure de l’aider à prendre de bonnes décisions.
Voilà donc la psychanalyste en mal de fiction romanesque embarquée dans une aventure à laquelle elle ne s’attendait pas. « Embarquée » est d’autant plus le mot qui convient que le tournage du film se déroule du côté de Stromboli. Quant au roman que Sibyl se flattait d’écrire, le voilà en quelque sorte qui s’inscrit sous ses yeux, dans la réalité. Elle n’a pas besoin de chercher ailleurs : le « mentir-vrai » dont parlait Aragon se déploie devant elle et en elle. Nous sommes les personnages de nos propres romans, nous est-il dit, occupés à nous accommoder pour le mieux de nos existences labyrinthiques. On saura gré à Justine Triet d’avoir préservé, tout en déroulant un récit attrayant, la multiplicité des facettes des personnages qu’elle a imaginés, avec une mention particulière à celui qui est joué par Virginie Efira. Amoureuse, psychanalyste, mère de famille, écrivain, alcoolique repentie : elle parvient à composer avec tous ces aspects sans jamais se départir ni de son énergie ni de son naturel ! Quel talent, oui vraiment !
8/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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SIBYL Bande Annonce (Cannes 2019) Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Film Français
Sibyl est une romancière reconvertie en psychanalyste. Rattrapée par le désir d'écrire, elle décide de quitter la plupart de ses patients. Alors qu'elle cherche l'inspiration, Margot, une jeun...