Un album de chansons de Agnès Bihl.
De plus en plus, c’est au féminin que se fait entendre la chanson française, ce dont, pour ma part, je me réjouis, bien plus que je ne saurais l’exprimer. Non seulement pour le simple plaisir d’écouter des voix féminines, mais aussi et surtout parce que, dans leur ensemble, celles qui chantent le font sur un ton totalement décomplexé et en assumant pleinement leurs choix de vie et leurs combats. La plupart sont féministes, que ce soit de manière ostentatoire ou avec davantage de retenue, en tout cas les chanteuses d’aujourd’hui ne se laissent pas marcher sur les pieds ni mener par le bout du nez, qu’on se le dise !
Régulièrement surgissent de nouvelles voix, et c’est tant mieux. Mais il ne faudrait pas oublier celles qui ont déjà parcouru un chemin plus ou moins long, ponctué par la parution de plusieurs albums. Parmi elles, je me fais une joie de distinguer Agnès Bihl, une chanteuse attachante, qui n’a pas sa langue dans sa poche (c’est le moins quand on veut chanter !), qui exprime ce qu’elle pense et qui l’exprime fort bien, avec générosité, souvent avec une pointe d’humour, toujours avec la plus estimable netteté.
Sur son site internet, pas d’ambiguïté, elle affiche clairement ses convictions. Mais surtout, l’on apprend qu’elle a chanté aux côtés d’une Anne Sylvestre ou d’un Charles Aznavour. Grand Corps Malade ou Didier Lockwood ont participé à la réalisation d’un de ses albums. Elle traite, dans ses chansons, des sujets les plus durs et le fait de façon bouleversante, comme lorsqu’elle aborde le thème de l’inceste dans Touche pas à mon corps. Mais elle veut aussi être capable de chanter le simple « bonheur d’exister ».
Son nouvel album, Il était une femme, elle le présente elle-même avec l’humour qui la caractérise : « Voici la couverture de mon nouvel album, écrit-elle. …qui a dit qu’à partir de 45 ans, une femme était moins belle, moins ferme, moins Tout… et devait se tartiner de crèmes, masques, pommades et autres cache-misères pour rester dans la course des jolies biches frétillantes, désirables et jeunettes ??? Pas d’accord… Vous êtes belles, Mesdames… NOUS sommes belles, quel que soit notre âge !!! Pour la 1ère fois de ma vie, j’ai osé mon corps… et oui, je me suis effeuillée pour dire merde à cette obsolescence programmée qui nous fait nous ruiner en produits de beauté, en promesses de jeunesse éternelle et factice… rapportant bien sûr des milliards à l’industrie cosmétique qui alimente et nourrit sans cesse notre terreur de vieillir… Ni parfaite, ni refaite… je suis telle que la vie m’a faite… et je l’assume ! »
Il valait la peine de recopier tout cela, d’autant plus que c’est le sujet même de la première chanson de l’album, chanson dans laquelle, en effet, Agnès Bihl assume crânement la fuite du temps et ses corollaires. Beaucoup des nouvelles chansons de l’artiste abordent des sujets, disons, féministes, ou, en tout cas, qui se déclinent au féminin. Certaines semblent tout imprégnées du vécu de la chanteuse, comme Signe particulier (une chanson en forme de bilan), Coup de vent (où il est question de ce, ou de celui, qui passe trop vite), Échec et Mat (qui parle d’un amour perdu), Amours délices et ogres (où il est question de certain profiteur qui triche avec les sentiments) ou Comme une étoile filante. Il est aussi une chanson, très touchante, voire bouleversante, qui dresse le portrait d’une femme, Madame Léonie, une femme qui « boit pour oublier qu’elle fume » et qui « fume pour oublier qu’elle boit », une femme qui broie du noir, qui manque d’amour, qui pense à son fils qu’elle ne voit jamais… Quant à la chanson qui donne son titre à l’album, Il était une femme, elle rappelle, à juste titre, combien les femmes ont été et sont toujours, de par le monde, victimes de préjugés, humiliées, violées, violentées de mille manières, mais qu’il « est l’heure de relever la tête » et de ne plus se laisser faire. Et je veux encore citer Top chrono, chanson qui évoque le quotidien surmené, éreintant, de beaucoup de femmes.
C’est vrai, Agnès Bihl aborde beaucoup de sujets graves, mais elle parle de la vie telle qu’elle est, sans fard, et elle la chante assez souvent sur des rythmes joyeux, elle n’oublie pas non plus, quand elle le peut, son sens de l’humour, et elle bénéficie toujours de superbes arrangements. Et puis, il y a, sur ce nouvel album, une chanson qui, à elle seule, l’illumine de sa saveur, de sa beauté, de son bonheur d’aimer les autres. Elle s’intitule Les gens bien, car, en effet, il y en a, de ces gens-là, des gens qui ne font pas de bruit, mais qui sont le sel de notre terre. « Y en a p’t être qu’un sur trois, chante Agnès Bihl, mais pourtant ils sont là ». « Leur porte est ouverte et leur cœur aussi », ajoute-t-elle en précisant que ce qu’ils font, c’est « avec ou sans bon Dieu ». En l’écoutant, je songeais à Jean-Roger Caussimon (1918-1985) quand il chantait Les cœurs purs. Et aussi à Julos Beaucarne, quand il écrivait après l’assassinat de sa femme à la Chandeleur 1975: « Le monde est une triste boutique, les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l’embellir… ». Alors, merci, Agnès Bihl ! Merci de nous interpeller avec des chansons plus ou moins graves ou dures qui nous rappellent les tristes réalités du monde. Mais merci aussi de chanter que, dans ce monde-là, malgré tout, même s’il n’y en a qu’un sur trois, il y a des « gens bien » !
9/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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Jean-Roger Caussimon - Les coeurs purs
Extrait de l'intégrale de l'auteur-compositeur et acteur Jean-Roger Caussimon ☑️ Streamez l'album ici : http://bit.ly/JRCaussimon_Deezer / http://bit.ly/JRCaussimon_Spotify 🎵 Écoutez l'int...