Un album de chansons de Julie Lagarrigue.
C’est une critique élogieuse de Erwan Perron, parue dans Télérama, qui m’a incité à partir à la découverte de cet album (preuve, s’il est besoin de le préciser, que les critiques ne sont pas superflues) ! L’auteur de cette recension, tout en affirmant que l’on a affaire à des chansons d’écriture ultra classique, y vante le style, la voix, le ton adoptés par la chanteuse et ses musiciens, qui ont enregistré l’album, nous est-il précisé, en live « dans une maison au cœur d’une forêt du Languedoc ».
Il n’en a pas fallu davantage pour me déterminer à me mettre à son écoute, ce que j’ai fait sans tarder. Et, en effet, s’il s’agit bien de chansons qui n’ont pas la prétention de bouleverser le genre, l’on est sans nul doute en présence d’un album qui, dès la première fois, dès la première écoute, charme, captive, du fait d’une subtile alchimie, de l’adjonction de divers éléments qui font complètement oublier l’aspect classique de l’écriture des chansons. Il y a quelque chose d’envoûtant, dans cet album, quelque chose qui fait que l’on est pris d’un irrésistible désir d’y retourner, dès après l’avoir écouté une première fois.
Comment définir cette attirance ? Qu’est-ce qui fait le charme de l’album ? Les pas dans la forêt qui font parfois la transition entre deux chansons, certains des instruments empruntés à la world music (oud amplifié et percussion kayamb), l’intervention de voix diverses et, parfois, d’un chœur, et, bien évidemment, la voix de la chanteuse, Julie Lagarrigue, une voix qui chante ou qui murmure, en tout cas une voix qui n’est pas ordinaire. Tous ces éléments conjugués donnent à cet album un ton qui n’a rien de banal.
Et puis l’on devine que les chansons écrites par Julie Lagarrigue forment un ensemble cohérent, tout imprégné d’un vécu métamorphosé par la poésie, ce qui donne lieu tantôt sinon à de la gravité, en tout cas à l’évocation de souvenirs et d’impressions encore profonds, tantôt à des variations teintées d’humour et de légèreté. Dans un beau texte de fiction, paru initialement sur son site web, Julie Lagarrigue reprend, sous forme de jeu d’écriture, chacune des chansons de l’album, signifiant ainsi, de manière originale, son harmonie.
« Parlons oiseau », propose le titre d’une des chansons, chanson malicieuse qui décline les gestes de l’amour. Un thème repris de diverses manières, car c’est bien l’amour qui imprègne l’album : « Dis-le moi », demande la chanteuse, « dis-le moi je voudrais l’entendre ». « Mon mec est un scientifique », répond une autre chanson au ton léger. Tandis que, dans « Le beau de la forêt » tout comme dans « Les bottes », il est question de l’absent, celui qui est parti (« J’ai bien reçu tes lettres… Vingt ans se sont passés », précise la chanteuse dans la première de ces deux chansons, tandis que, dans la deuxième, il est question de celui qui « a laissé ses bottes sur le perron de la maison / Si bien qu’un jour tu crois qu’il reviendra »). Mais la nature aussi, bien sûr, apporte ses graines d’imaginaire afin de concourir à l’envoûtement qu’exerce l’album : envoûtement bienfaisant, même s’il est question du « vent du sud qui rend fou » ou du jardin qui manque d’eau. Mais « le jardin de la sorcière », lui, troisième titre de l’album, n’inspire pas la crainte : la sorcière « connaît les mystères », certes, mais « à la lune montante elle chante la vie ». Les chansons de Julie Lagarrigue, c’est vrai (même quand elles laissent entrevoir quelque chose de douloureux, mais, comme le dit la chanteuse, « je parle comme je pense ») font du bien et, après les avoir goûtées, on est pris de l’irrésistible envie de les fredonner. Et aussi, comme je l’ai fait avec bonheur, de découvrir les autres albums de cette attachante chanteuse.
9/10
Luc Schweitzer
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" Je parle comme je pense " Julie Lagarrigue
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