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SOUS LES ÉTOILES DE PARIS

Un film de Claus Drexel.

 

À l’heure de sa conversion, quand François d’Assise rencontre un lépreux, sa réaction première s’accorde avec celle de tout un chacun : il est saisi d’horreur et de dégoût. Puis il se reprend, descend de son cheval, donne l’aumône au malade et même l’embrasse. C’est pour François le prélude à un changement radical, car plus d’une fois, par la suite, il rend visite à ceux qui sont atteints par la lèpre.

Dans le film de Claus Drexel, la clocharde jouée par Catherine Frot, réveillée, une nuit, dans son abri de fortune (un recoin des galeries du métro), y découvre, non pas un lépreux, mais un petit garçon de couleur (Mahamadou Yaffa) affamé et frigorifié. Néanmoins, sa réaction n'est guère différente de celle de François. Sa vie est déjà si compliquée qu’il n’est pas question, pour elle, de s’embarrasser d’un gamin. Elle le met hors de son misérable bercail, mais ne tarde pas à se reprendre. Elle veut bien secourir l’enfant le temps d’une nuit, mais pas question d’en faire davantage.

Ce à quoi elle n’a sans doute pas réfléchi, c’est que, quand on s’est engagé, ne serait-ce que du bout des lèvres, du côté de la charité, il se peut bien qu’on soit entraîné là où l’on n’avait pas du tout prévu d’aller. Certes, il faut à cette femme de la rue un peu plus de temps pour se convertir totalement qu’il n’en a fallu à François. La nuit achevée, elle est résolue à trouver le moyen de se débarrasser de l’enfant. Mais c’est sans compter avec l’obstination de ce dernier, décidé à ne pas la lâcher d’une semelle. Même quand elle croit l’avoir semé comme on ferait d’un Petit Poucet, elle le retrouve encore.

Ce qui fait basculer la clocharde du côté d’une charité sans limite, c’est le regard porté sur l’enfant et la découverte d’un embryon de son identité. Un papier dont il ne se sépare pas révèle à la femme de la rue qu’elle a affaire à un réfugié sans papier ayant perdu sa mère qui, de son côté, doit être prochainement expulsée de France. Touchée au cœur, la pauvresse, alors, s’engage corps et âme pour que le garçon puisse retrouver sa mère avant qu’il ne soit trop tard. Sa quête, elle est décidée à la mener jusqu’au bout, quitte à perdre le peu qu’elle possède. C’est d’ailleurs ce qui se produit : elle qui n’a pas grand-chose se voit interdire, par un agent communal, l’accès à son abri de fortune et se trouve même contrainte à abandonner les deux sacs dans lesquels elle transporte ses quelques hardes. Pour le bien de l’enfant.

En ces temps troublés, compliqués, que nous traversons tous, au moment où nous nous apprêtons à être confinés pour une durée d’au moins un mois, ce film (si l’on a le temps de le voir avant la fermeture des salles) fait beaucoup de bien. Claus Drexel l’a mis en scène de manière fort habile, sans jamais en faire trop, ni dans le pathos ni dans les bons sentiments. Quant à Catherine Frot, même s’il n’est question, dans ce long-métrage, ni de Dieu ni d’aucune religion (et qu’importe qu’il n’en soit pas question !), on peut sans nul doute, en le féminisant, appliquer à son sujet l’expression qui sert de titre à un roman de Jack Kerouac : elle est la clocharde céleste 

8/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Comédie dramatique
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