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LE COMPLEXE D’EDEN BELLWETHER

Un roman de Benjamin Wood.

 

La musicothérapie : soigner des malades par la musique ! Peut-on prendre au sérieux une telle démarche, surtout lorsqu’elle est exclusive ? Bien sûr, la musique, dans la mesure où elle apporte apaisement et réconfort, peut être un allié précieux dans un processus de soin. Personne n’en doutera. Mais quant à en faire un instrument de fanatisme, c’est autre chose…

Or, c’est ce qui se produit dans ce premier roman publié par Benjamin Wood, roman écrit comme un conte à la fois moderne et presque hors du temps par certains de ses aspects, conte hypnotique rédigé avec un soin, un souci de la précision qui, même si le récit semble parfois s’étirer plus qu’il ne faudrait, crée une sorte d’envoûtement qui fait qu’on ne le lâche pas.

L’impression d’étrangeté véhiculée par l’histoire proposée par Benjamin Wood vient, entre autres, de son cadre et du milieu social dans lequel évoluent la plupart des personnages. Nous sommes à Cambridge et tout commence le jour où Oscar, jeune homme de milieu modeste travaillant dans une maison de retraite, alors qu’il passe par le campus de la fameuse université, perçoit les sons puissants d’un orgue et des chants provenant d’une chapelle. Subjugué, il y entre pour être aussitôt happé par quelque chose comme une extase. Mais ce n’est pas seulement la musique qui fait effet sur lui, c’est également la silhouette d’Iris, jeune fille qui n’est autre que la sœur de l’organiste virtuose.

C’est ainsi qu’Oscar, déjà amoureux, est introduit dans un milieu qui n’est pas le sien, celui d’un groupe d’étudiants et étudiantes de la bonne société et, à l’occasion, de leur famille. Chez ces gens-là, et Benjamin Wood se plaît à le répéter, pour ne donner qu’un exemple, on fume des cigarettes à clou de girofle ! Mais surtout, et c’est ce que perçoit rapidement Oscar, ce groupe semble s’être constitué en une sorte de cénacle ayant comme chef Eden Bellwether, l’organiste féru de musique baroque.

Ce dernier se révèle bientôt, aux yeux d’Oscar, comme une personnalité trouble, énigmatique, inquiétante et manipulatrice. Sa passion pour l’orgue, il l’utilise pour des séances pour le moins étranges, voire carrément dangereuses. On l’a compris, c’est lui, Eden, qui veut persuader son monde que la musique peut guérir tous les maux. Oscar, de son côté, se confie volontiers au Dr Paulsen, un des résidents de la maison de retraite où il travaille, ainsi qu’à Hebert Crest, un spécialiste des troubles de la personnalité.

Mais jusqu’où peut aller la folie d’Eden, jusqu’à quelles extrémités ? C’est ce que narre ce roman qui met en présence, en somme, deux êtres antinomiques : Eden, jeune homme imbu de lui-même et de ce qu’il considère comme ses pouvoirs, âme noire qui détruit son entourage, et Oscar, jeune homme troublé, déstabilisé, mais s’efforçant de garder sa droiture et de soigner vraiment les gens, de leur faire du bien. Une dualité que Benjamin Wood s’est gardé de rendre trop rudimentaire, préservant ainsi la complexité de chacun des personnages du roman, y compris des deux personnages principaux. Jusqu’à la fin, par exemple, on se demande si Eden est réellement fou ou si l’on a affaire à un homme qui cache habilement son jeu. C’est tout l’art d’un bon conteur que de maintenir son lecteur en haleine.  

7,5/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Livres, #Romans
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