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UNCLE FRANK

Un film de Alan Ball.

 

 

Alan Ball s’était surtout fait connaît, jusqu’à présent, en tant que créateur de la série à succès Six Feet Under, qui contait malignement les boire et déboires d’un clan de croque-morts. Dans le long-métrage qu’il propose aujourd’hui et qui est diffusé sur Prime Video, il fait preuve de beaucoup de finesse et d’intelligence du propos pour raconter et mettre en scène le coming out, au sein de sa famille, de l’oncle Frank dont l’homosexualité est, en théorie, restée secrète, mais, en vérité, surtout à la manière d’un secret de Polichinelle. Joué par Paul Bettany, ce personnage représente l’archétype du tonton gay, celui dont la différence, même si elle n'est pas explicitée, même si on n’en parle pas, n’échappe à personne et qui, par la force des choses autant que par son métier de professeur de littérature à New York, vit en marge de sa propre famille, loin d’elle, mais avec le compagnon dont il est épris, Wally (Peter Macdissi), beau personnage, lui aussi, superbement conçu et interprété.

Sa famille, qui réside dans un coin de l’Amérique rurale, Frank ne la voit qu’épisodiquement, quand l’occasion s’y prête. Dès le début du film, cependant, un film dont l’action se déroule au cours des années 70, c’est précisément lors d’une des rares visites de l’oncle Frank que se précisent sous nos yeux les caractéristiques des membres du clan. Parmi ceux-ci se distingue la nièce de 14 ans, Beth (Sophia Lillis), d’autant plus que le metteur en scène a judicieusement choisi de privilégier son regard d’adolescente. Sans pouvoir mettre des mots précis sur ce qu’elle ressent, la jeune fille a perçu l’exception que représente son oncle, sa différence, et ce de manière très positive. Entre l’oncle Frank et elle se noue, d’ores et déjà, une relation privilégiée, basée sur la confiance, l’estime et la complicité. Elle admire d’autant plus cet oncle qu’il est le seul adulte de sa connaissance qui jamais ne la rabaisse, mais au contraire lui parle comme à une égale. Frank fait preuve de qualités humaines qui font défaut aux autres membres de la famille, beaucoup plus « grandes gueules » que lui.

Mais ce n’est que quatre ans plus tard (elle a donc alors 18 ans) que Beth, elle-même venue à New York pour y étudier, découvre l’identité réelle de son oncle et fait connaissance avec le compagnon de celui-ci, Wally. La jeune fille, qui elle-même aspire à prendre ses distances d’avec le carcan familial, réagit tout à fait positivement. Sa complicité avec l’oncle en est encore renforcée. Mais les choses se corsent lorsque les protagonistes apprennent la mort du patriarche du clan familial, homme mutique et borné, et qu’il s’agit de faire le voyage pour les funérailles. C’est le come back de l’oncle Frank, un retour douloureux, compliqué, qui fait ressurgir les blessures anciennes dues, en particulier, à celui qui vient de mourir, homme marqué par les vieux préjugés inculqués au nom d’une religion figée et étroite, homme pour qui les homosexuels sont des tordus que Dieu précipitera tous en enfer. Ces vieilles croyances dévoyées qui polluent encore les esprits et font commettre de terribles injustices !

Néanmoins, heureusement, même dans le clan familial, malgré toutes les préventions qu’ils ont reçu en héritage, tous ne sont pas aussi bornés que le patriarche défunt. Si l'oncle, du fait de son retour en famille, entre dans une mise à l’épreuve dont il ne sort vainqueur que grâce à l’appui de Wally et peut-être aussi au regard bienveillant de Beth, ce retour donne également l’occasion d’une sorte de conversion des regards des principaux protagonistes, autrement dit c’est le commencement d’une heureuse libération, d’une mise à l’écart des tristes et déshonorants anathèmes transmis depuis des générations par des doctrinaires chrétiens à l’esprit étroit. En somme, ce film bouleversant, magnifiquement écrit, joué par d’excellents actrices et acteurs, fait un bien fou puisqu’il contribue, à sa manière, à changer nos propres regards sur les autres sans jamais les juger sur leurs différences, en particulier celles qui ont trait aux orientations sexuelles! 

8,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Drame
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