Un film de Ron Howard.
Paru il y a quatre ans, juste après les élections qui ont propulsé Donald Trump à la Maison Blanche, Hillbilly Elegy (traduit en français par Une Ode américaine) fut un best-seller et il n’est pas étonnant qu’il soit aujourd’hui adapté au cinéma (le film étant diffusé sur Netflix). Cet ouvrage autobiographique, écrit par J.D. Vance, raconte le parcours étonnant d’un « bouseux » du nord-est des États-Unis qui, nonobstant les nombreux obstacles à surmonter, parvient à intégrer la prestigieuse université de Yale pour devenir l’exact opposé de ce à quoi il semblait être condamné au départ : au lieu de rester « bouseux », le voilà winner, ce qui tend à prouver que le rêve américain n’a pas dit son dernier mot. L’arrière-plan politique de cette success story, on le devine sans peine. Et l’on sait que, du côté des Américains blancs et pauvres, ceux du nord-est des États-Unis, par exemple, région dévastée par la crise industrielle, l’on a voté majoritairement pour Trump, il y a quatre ans.
L’adaptation cinématographique de Ron Howard, cinéaste qui n’a jamais brillé par ses audaces, laisse plus ou moins de côté l’aspect politique de cette histoire, sans la gommer totalement, mais en privilégiant les destinées des personnages, en mettant l’accent sur leurs personnalités respectives. Et Dieu sait s’il y a de quoi faire ! Du coup, même si la réalisation reste extrêmement classique, les performances à couper le souffle des actrices principales et de l’ensemble du casting n’ont pas de peine à susciter l’intérêt, si ce n’est la fascination.
Le film est construit comme une suite d’allers et retours entre l’adolescence (Owen Asztalos) et la prime jeunesse (Gabriel Basso) de J. D. Vance, à l’heure où, alors qu’il doit passer un entretien important pour sa future carrière, il est appelé en urgence au chevet de sa mère malade. Parmi tous les personnages à qui J. D. Vance a affaire (entre autres sa sœur et sa fiancée originaire de l’Inde), deux femmes se détachent nettement, deux actrices également, dont les performances sont éblouissantes. D’une part, il y a Bev (Amy Adams), la mère de J. D., une femme ravagée à tous points de vue, instable, alcoolique, toxicomane et perdant tout (son travail d’aide-soignante, ses partenaires), incapable d’éduquer son enfant, inapte à l’aimer. D’autre part, il y a celle qui reste forte autant qu’elle le peut, celle qui décide de prendre les choses en mains avant qu’il ne soit trop tard, celle qui sauve J. D., l’aidant à échapper à l’implacabilité d’un destin qui semble tracé d’avance: sa grand-mère, appelée Mamaw, incroyablement interprétée par Glenn Close. Avec sa clope au bec et son tempérament volontaire, elle n’est pas du genre à baisser les bras : pour elle, il n’y a pas de fatalité et, à elle seule, elle démontre que même les pauvres peuvent conserver leur dignité et marcher la tête haute.
Ce sont ces personnages qui donnent au film son intérêt: ils sont poignants, ils ne peuvent laisser insensible qui que ce soit. D’ailleurs les personnages secondaires eux aussi jouent de belles partitions : la sœur de J. D., par exemple, qui invite ce dernier à changer de regard sur leur mère commune, jusqu’à avoir un regard de pardon, ou encore la fiancée de J. D. qui, quand elle apprend la vérité sur les origines et la famille de ce dernier, ne s’en formalise pas le moins du monde. Quant à faire de J. D. le personnage emblématique d’une possible réconciliation des deux Amérique, celle des villes et celle des campagnes, comme le prétend Ron Howard dans une interview, c’est peut-être aller un peu vite en besogne.
7,5/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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Une ode américaine de Ron Howard | Bande-annonce officielle VOSTFR | Netflix France
J.D. Vance (Gabriel Basso), un ancien Marine originaire du sud de l'Ohio désormais étudiant en droit à Yale, est sur le point de décrocher le poste de ses rê...