Un film de David Pablos.
Visible sur Netflix, ce film restitue de manière soignée un scandale qui défraya la chronique, au Mexique, au tout début du XXème siècle. Le 1er novembre 1901, très exactement, furent arrêtés, par des policiers en armes, un groupe de 42 hommes qui se livraient à une fête, à un bal, réservé aux homosexuels. Une bonne partie d’entre eux avaient d’ailleurs revêtus des habits de femmes. Ils étaient 42, mais seuls 41 d’entre eux furent emprisonnés. Le personnage manquant, bénéficiant d’une protection, fut retiré du groupe et placé en sécurité. Quant aux autres, ils durent bientôt éprouver les cruautés de la vindicte populaire, l’homosexualité étant encore criminalisée au Mexique, en ce temps-là. Le scandale fut d’ailleurs tel, dans ce pays, qu’il provoqua une véritable chasse aux sorcières à l’encontre de la communauté homosexuelle.
Mais, quant au film lui-même, il retrace les événements qui ont précédé le scandale, celui-ci n’intervenant que lors de ses scènes ultimes. C’est l’homme manquant, celui qui bénéficia d’une protection, qui en est le centre, lui ainsi que sa femme et que son amant. Car, dès les premières scènes du film, on le découvre à l’heure de son mariage. Il se nomme Ignacio de la Torre (Alfonso Herrera) et n’épouse rien moins qu’Amada (Mabel Cadena), la fille du président mexicain Porfirio Diaz (Fernando Becerril). Un président qui, le jour du mariage, recommande à son gendre de prendre grand soin de sa fille et de la rendre heureuse.
L’effectivité du bonheur paraît fortement compromise cependant, ce mariage n’étant, pour Ignacio, qu’une manière commode de gravir plus rapidement les échelons de sa carrière politique. Pour ce qui le concerne, après s’être contenté d’accomplir son devoir conjugal de manière mécanique, il ne tarde pas à délaisser Amada le plus qu’il est possible, d’autant plus qu’il s’est pris de passion pour un beau jeune homme du nom d’Evaristo Rivas (Emiliano Zurita). C’est ce dernier, d’ailleurs, qui l’introduit dans une sorte de société secrète, réservée exclusivement aux homosexuels, dont il devient le 42ème membre. Tout pourrait se poursuivre ainsi, sans anicroche, sauf qu’une épouse délaissée par son mari en vient forcément à se poser des questions et à chercher à comprendre, par exemple en dénichant, puis lisant, le courrier secret de son époux…
Le film est réalisé, je l’ai dit, avec un soin méticuleux, ce qui le rend à la fois très beau (la photographie et les décors sont parfaits) mais aussi, du fait de son sujet, très triste. De plus, aucun des personnages n’est vraiment attachant. Amada, après avoir compris à qui elle a affaire, ne semble plus être obsédée que par un but : obliger Ignacio à lui faire un enfant. Ignacio, tout à son arrivisme et à sa passion pour Evaristo, se conduit, chez lui, comme un homme froid et cruel. Quant aux scènes d’orgie, de stupre ou de bal au club des 41 (ou des 42), elles ont l’air de ne vouloir démontrer qu’une chose, que, comme écrivait Mallarmé, « la chair est triste, hélas », même quand on n’a pas « lu tous les livres » ! Cela étant, malgré tout, le film, paradoxalement, conserve sa beauté et, même, parvient à toucher. La solitude des personnages principaux ne peut laisser indifférent. Quant aux homosexuels humiliés et violentés par la foule fanatisée, ils sont plus que bouleversants, ils sont le visage de ceux qu’on martyrise par esprit d’ignorance et de bêtise !
7,5/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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LE BAL DES 41 Bande Annonce VF (2021) Drame, Netflix
LE BAL DES 41 Bande Annonce VF (2021) Drame, Netflix© 2021 - Netflix