Un documentaire de Gwenlaouen Le Gouil.
Que faire des populations autochtones du Canada ? Telle est la question que se posèrent les nouveaux maîtres de ce pays à la fin du XIXème siècle ? La solution, ce fut ce qu’on appelle Indian Act, loi adoptée en 1876 faisant des Amérindiens des citoyens de seconde zone qui devaient rester séparés du reste de la population et, par conséquent, vivre (ou survivre) dans des réserves. C’était aussi le moyen de mieux les contrôler en obligeant ces peuples, traditionnellement nomades, à se sédentariser. L’un des autres aspects, et non des moindres, de ces décisions, ce fut d’assimiler les Amérindiens en en faisant de bons chrétiens comme les autres, c’est-à-dire comme les colonisateurs. C’est un paradoxe : il s’agissait à la fois de parquer les Indiens à distance et, en même temps, de les transformer pour leur faire adopter les mœurs et la religion de ceux qui avaient conquis leurs terres.
Or, qui pouvait mieux entreprendre et mener à bien cette entreprise de destruction, sinon les missionnaires ? Ce fut donc aux Oblats (OMI), spécialistes des missions difficiles, qu’échut la tâche de convertir les Indiens en bons petits catholiques. Pour ce faire, on obligeait les familles autochtones à placer leurs enfants dans des institutions gouvernées par des religieux et des religieuses. La dernière de ces maisons fut fermée en 1996. Entre-temps, des générations d’Indiens passèrent entre les griffes acérées des missionnaires. Il n’y a pas d’autres termes pour parler des méthodes de tortionnaires employées par ces derniers. Car il n’était pas rare que, pour mater les enfants, l’on usât de la chaise électrique ! Oui, je dis bien de la chaise électrique, ce qui, si l’on en croit les témoignages, divertissait beaucoup les religieux sadiques. De plus, plus d’un missionnaire profita de ces lieux isolés pour assouvir ses pulsions en violant des enfants ! Telle est la sombre réalité. L’Église, dans bien des endroits du monde, a servi de caution aux pratiques les plus barbares qui soient. Pas seulement en Irlande, pas seulement au Canada, mais sans doute aussi dans bien d’autres endroits du monde. L’épopée des missionnaires, qu’on se plaît à nous présenter sous des dehors d’héroïcité et de grandeur, est sans doute loin d’être aussi belle qu’on le prétend. Elle a sa face sombre, très sombre, insupportablement sombre, qu’il est plus que temps de dénoncer.
Le documentaire Tuer l’Indien dans le cœur de l’enfant, de Gwenlaouen Le Gouil, diffusé récemment sur Arte et toujours disponible sur le site internet de la chaîne, donne la parole à certains de ceux qui furent des victimes des missionnaires. Pour être passé entre les griffes de ces bourreaux, plus d’un en reste marqué à jamais. Qui leur rendra justice ? À ce sujet, le documentaire montre bien que, dès qu’il s’agit des Amérindiens, c’est la lenteur qui est de rigueur. Les affaires qui les concernent, y compris les disparitions et les meurtres de nombreuses femmes amérindiennes, sont, le plus souvent, classées sans suite. Il semble même que des preuves aient été dissimulées ou effacées afin de ne pas nuire à certains individus, parmi lesquels des religieux. Fort heureusement, le documentaire nous fait voir le combat d’un député canadien qui ose braver les pesanteurs et se battre pour que les Amérindiens puissent obtenir justice et que soit aboli l’Indian Act. Honneur lui soit rendu ! Mais il y a encore beaucoup de chemin à accomplir.
Luc Schweitzer, ss.cc.
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Tuer l'indien dans le coeur de l'enfant | ARTE
Adopté au Canada en 1876, l'Indian Act avait pour but de faire des Amérindiens des citoyens de seconde zone séparés de la population blanche, et de sédentari...