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LA VOIX D’AÏDA

Un film de Jasmila Žbanić.

 

 

Réalisatrice bosniaque née en 1974, qui a déjà tourné quelques films dont Sarajevo, mon amour en 2006, Jasmila Žbanić fait ici un pari audacieux en mettant en scène le massacre le plus effroyable parmi ceux qui ont été commis pendant la guerre qui a ensanglanté l’ex-Yougoslavie entre 1991 et 2001, celui de Srebenica perpétré en juillet 1995. Comment s’y prendre, quand on est soi-même bosniaque, pour filmer un tel événement ? La cinéaste elle-même reconnaît qu’il lui a fallu du temps pour y parvenir. Elle avait d’abord écrit un scénario dans lequel elle déversait toute sa colère et le sentiment d’injustice qui la révolte encore. Puis, en fin de compte, c’est en se basant sur l’ouvrage écrit par Nasan Nuhanović, qui était traducteur auprès du contingent hollandais de l’ONU à l’époque des faits, qu’elle a réussi à peaufiner le scénario tel qu’il se présente à nous aujourd’hui.

Dans le film, c’est une femme, Aïda, qui est la protagoniste principale, c’est elle qui se charge des traductions pour les forces hollandaises de l’ONU. C’était, sans nul doute, la meilleure des solutions pour aborder un tel sujet que d’adopter un point de vue particulier, que de tout faire voir par le regard d’un des témoins les mieux placés. C’est donc par le biais de ce regard singulier que nous assistons, tout le long du film, à l’impuissance des forces de l’ONU qui devraient pourtant se porter garantes de la sécurité des habitants et tout entreprendre pour les tirer d’affaire. Or, dès le début du film, leur inefficacité est flagrante, et elle se confirme de scène en scène, jusqu’aux atrocités commises par les Serbes après qu’ils aient investi la ville et obligé à faire évacuer femmes et enfants afin de mieux pouvoir massacrer tous les hommes. Il y eut, au total, 8372 victimes !

Au milieu de cette implacable mécanique de mort, que les soldats de l’ONU sont incapables de stopper, le personnage d’Aïda se révèle d’autant plus bouleversant que, parmi les hommes pris dans ce piège infernal, se trouvent son mari et ses deux fils. Pour les sauver d’une mort programmée, Aïda se démène comme elle peut, elle entreprend tout ce qui est possible, tirant parti de son statut particulier d’interprète pour tenter de les mettre en sécurité et de les faire évacuer. Sa lutte pour essayer de sauver ses proches serre le cœur, elle est poignante.

Pour filmer ces événements douloureux, la réalisatrice a su parfaitement agencer les scènes de foules, très impressionnantes, avec les scènes de négociations ainsi que celles qui sont plus resserrées. Quant aux massacres proprement dits, elle a préféré les laisser hors champ, ce qui n’enlève rien au sentiment d’horreur que l’on éprouve. « Plus jamais ça », se dit-on en voyant ce film, tout en sachant que les hommes étant ce qu’ils sont, ils n’ont sûrement pas fini de commettre des atrocités. Il faut cependant voir le film de Jasmila Žbanić, pour ne pas oublier ce qui s’est passé là-bas, en Bosnie, en 1995.  

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Drame, #Histoire
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