Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

LE BAL DES FOLLES

Un film de Mélanie Laurent.

 

 

Le Bal des Folles, adaptation d’un roman de Victoria Mas, c’est, à n’en pas douter, la meilleure réalisation de Mélanie Laurent à ce jour. Dès lors, on ne peut que regretter qu’elle ne soit disponible que sur Prime Video, la plateforme VOD d’Amazon. Pour celles et ceux qui ont la possibilité de la voir, quoi qu’il en soit, je ne peux que les inviter fortement à ne pas la rater.

Ce film, en effet, c’est une plongée des plus impressionnantes dans un lieu où, à la fin du XIXème siècle, en plein Paris, l’on torturait impunément des femmes sous prétexte de science. À cela s’ajoute, de façon très claire, l’omnipotence patriarcale qui était souveraine à cette époque-là et, conjointement, le regard de défiance posée sur les femmes ou les jeunes filles dont les comportements étaient jugés, par ces messieurs, trop libres.

Dans le film, cela se concrétise au moyen d’un portrait, celui d’une jeune fille prénommée Eugénie (Lou de Laâge), membre d’une famille bourgeoise engoncée dans ses principes, principes que veille à préserver de toutes atteintes le père. On est sommé de ne pas déroger aux règles dont il est le garant. Or Eugénie ne manque pas d’aspirations qui ne correspondent pas aux désirs du père. Mélanie Laurent commence par filmer sa nuque, cette nuque qui se refuse à plier, à l’occasion des obsèques de l’homme qu’Eugénie vénère, Victor Hugo. Nous sommes en 1885. Si encore Eugénie se contentait d’aimer la poésie, de se délecter des Contemplations. Mais le plus insupportable, chez elle, ce qui dérange sa famille et, en particulier, son père, c’est que, à l’instar de Victor Hugo lui-même dont on sait qu’il se passionnait pour le spiritisme, Eugénie prétend être en communication avec les esprits.

Considérée comme une tare dont il faut la débarrasser, sa prétention à la divination lui vaut d’être conduite par son père et enfermée, sans son gré bien sûr, à la Pitié-Salpétrière, dans le bâtiment réservé aux femmes considérées comme hystériques ou déséquilibrées. Un enfer, dirigé pourtant par l’éminent docteur Charcot, un des précurseurs de la psychiatrie, ce qui ne l’empêche pas d’utiliser des méthodes que l’on ne peut qualifier que de barbares, aidé en cela par ses collègues et par le personnel, lui-même composé de femmes qui sont tenues d’obéir à ses ordres. L’une des infirmières, cependant, Geneviève (jouée par Mélanie Laurent en personne), d’apparence tout engoncée dans sa raideur, se laisse, néanmoins, pour des raisons qui la touchent et la bouleversent intimement, ébranler par la conviction qui émane de la jeune Eugénie.

Pour cette dernière, il faut pourtant en passer par les pires épreuves. Charcot a beau faire autorité en sa matière, non seulement il s’aveugle et s’obstine dans des décisions assassines, ne répugnant pas aux méthodes les plus archaïques (bains forcés dans de l’eau glacée, enfermements dans des cachots, etc.), mais, de plus, il se plaît à exhiber ses « malades » à des assemblées de curieux ou à les faire examiner sans se soucier du moindre respect des personnes, comme si elles n’étaient que des objets ou des cas. Le comble de la bassesse survient lorsqu’est organisé ce qui donne son titre au film : « le bal des folles ». Habillées, ou plutôt déguisées, les « malades » sont alors proposées en pâture, en quelque sorte, à des messieurs invités là pour se repaître de ce spectacle.

Qui sont les véritables fous ? On se le demande. Avec le concours de ses actrices et acteurs tous formidables, à commencer pour Lou de Laâge qui habite son personnage avec une force de conviction qui laisse pantois, Mélanie Laurent signe là un film qui ne peut que marquer durablement les esprits, tout en invitant à changer de regards. Ne plus accepter, plus jamais, que des hommes, fussent-ils aussi éminents que le docteur Charcot, se croient autorisés à mettre au pas des femmes, sous prétexte qu’elles sont différentes, qu’elles ne sont pas obéissantes, qu’elles ne se conforment pas aux critères d’une société encore et toujours marquée par le patriarcat. 

8/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Drame
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :