Un film de François Ozon.
Des quelques notions de philosophie qui m’ont été enseignées jadis, j’ai retenu, entre autres choses, qu’il est plus important de bien énoncer les problèmes que de leur donner des solutions ou des réponses. Sur ce terrain-là, on peut se fier à François Ozon, cinéaste qui se plaît à aborder des sujets sensibles et qui le fait toujours avec intelligence et finesse et en se gardant d’assener des convictions toutes faites.
C’est le cas, à nouveau, avec cette adaptation d’un livre de Emmanuèle Bernheim. Cette fois, c’est la question de l’euthanasie qui est abordée sous la forme de ce qu’on appelle « suicide assisté », procédure interdite en France mais légale en Suisse ou en Belgique, par exemple. Pour illustrer ce sujet délicat et pour éviter de le traiter de manière simpliste, François Ozon, comme il sait si bien le faire, s’est mis au service du récit autobiographique de Emmanuèle Bernheim, en évitant, autant que possible, tout artifice de mise en scène. On peut tout de même déplorer quelques scènes de flashback qui n’apportent rien d’intéressant au film.
Pour jouer André Bernheim, l’homme qui, victime d’un AVC, se retrouve en partie paralysé, Ozon a fait l’excellent choix de André Dussollier. Presque méconnaissable, la voix déformée, l’acteur livre là un rôle d’ores et déjà mémorable. On appréciera aussi les belles prestations de Géraldine Pailhas et, surtout, Sophie Marceau qui endossent respectivement les rôles de Pascale et Emmanuèle, les deux filles d’André. C’est la deuxième qui, rapidement, prend en quelque sorte l’ascendant et c’est à elle que le malade s’adresse pour lui demander de faire le nécessaire afin qu’il puisse (le plus rapidement possible, dit-il) quitter ce monde en recourant au suicide assisté.
Voilà donc Emmanuèle sommée de prendre une décision au sujet d’une éventuelle mort programmée de son père. Bien sûr, elle aborde le sujet avec sa sœur et, dans une moindre mesure, avec son conjoint (Eric Caravaca), mais on sent que c’est elle qui doit porter, plus que les autres, le poids de la décision. À un de ses interlocuteurs, elle explique que, si André ne fut jamais pour elle un bon père, elle ne l’en aime pas moins, en ajoutant que, si elle n’était pas sa fille, elle pourrait le traiter comme un ami. Ce à quoi son interlocuteur lui répond que c’est précisément ce qu’elle doit faire, accompagner André comme s’il était un ami. Ce qui, en vérité, ne résout pas grand-chose, car que ferait un ami dans le cas présent ? Programmer la mort du malade ou s’y refuser obstinément ? Pas si simple.
En fin de compte, une date est prise dans une clinique de Suisse, suite à une entrevue entre Emmanuèle et une visiteuse venue de Berne, ce qui met en évidence, m’a-t-il semblé, une certaine forme d’hypocrisie, la Suissesse expliquant que c’est le malade qui doit pouvoir boire, sans aide, le breuvage létal qu’on met à sa disposition : « nous ne tuons pas, dit-elle, nous nous contentons d’accompagner la personne qui veut mourir ». Le film s’engage alors quasiment dans une sorte de suspense. On se demande même, à un moment, si André est aussi résolu à mourir qu’il l’affirme, puisqu’il fait reporter la date initialement prévue pour pouvoir assister à une prestation musicale de son petit-fils. À cela s’ajoute la loi française qui, même si le suicide assisté doit avoir lieu en Suisse, peut s’interposer. Je n’en dis pas plus, afin de ne pas dévoiler la fin du film. Quelle que soit cette fin, d’ailleurs, à mon avis, la question de l’euthanasie ne se trouve pas résolue. Mais le film, sans aucun doute, peut aider à ne pas la solutionner de manière réductrice.
7,5/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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