Un album de chansons de Jean-Michel Piton.
Mais pourquoi ai-je attendu si longtemps pour me mettre à l’écoute de Jean-Michel Piton ? Il ne s’agit pourtant pas d’un nouveau venu dans la chanson française. Son site internet nous apprend qu’il est né en 1951 et que cet album, qui vient de paraître, est son treizième. Eh bien, jusqu’ici, moi qui pourtant ne manque pas de curiosité dans ce domaine, j’étais incompréhensiblement passé à côté de ce chanteur. Et j’en ai d’autant plus de regret que les douze chansons de l’album, que j’ai écoutées et réécoutées, m’ont fait forte impression, c’est le moins que je puisse dire.
D’abord, il y a une voix, un timbre qui, aussitôt, suscite l’intérêt. Rien de passe-partout, bien au contraire, même si c’est une voix qui s’affirme autant dans un registre revendicatif que dans des tonalités plus intimistes. Et puis, il y a des textes de haute tenue ou, en tout cas, qui retiennent l’attention, d’avantage même, qui interpellent. On ne peut écouter Jean-Michel Piton dans l’indifférence. Ce qui surgit de son territoire, de ses pages 21 x 29,7, comme il le dit si bien dans le dernier titre de l’album (Et moi), ne s’inscrit jamais dans la banalité. Pas de petite ritournelle là-dedans. Jean-Michel Piton est sans nul doute marqué par les poètes qu’il aime (ses deux précédents albums étaient d’ailleurs des florilèges poétiques consacrés à Eluard, Baudelaire, Cadou et autres poètes).
La finesse de l’écriture, chez Piton, se déploie sur plusieurs registres qui se complètent admirablement, d’autant plus que les arrangements musicaux, tout comme les mélodies, sont toujours judicieux. Cela commence fortement par une chanson de conviction, une chanson qui secoue, car « elle est longue la liste de ce qui me fait crier », affirme le chanteur avant d’affirmer, dans son refrain : « Si je sais et que je n’en dis rien / Je deviens complice de ces assassins » (Complice).
L’album enchaîne avec sa chanson titre, uniquement composée d’un refrain que reprend Jean-Michel Piton accompagné d’un chœur : « Toujours soulever la pierre / Voir ce qui se cache dessous / L’infini variété des êtres / Qui ne sont qu’ébauchés, imparfaits ou en ruine. » Toute l’acuité d’un regard, celle qui se décline précisément dans chacune des chansons de l’album. Ainsi de l’évocation, toute en justesse, d’un paysan qui « a travaillé pour des nèfles », n’a plus d’avenir et meurt « de jeune vieillesse » (Faits divers). Ou d’une femme qui prend le parti de fuir la violence de son compagnon (Un prétexte). Ou encore d’une femme qui, si elle veut vivre avec un homme, se refuse cependant à n’être prise par lui que « pour son rince-torchons » (Comment tu l’appelles).
« J’en veux », chante encore Jean-Michel Piton en déclinant de simples et précieux trésors de la vie. Et dans « Perdu », comment ne pas être bouleversé par l’évocation d’un homme qui s’est rendu trop loin en lui « cherchant vainement la sortie » ? Et puis, et puis, comment ne pas résonner de la joie d’aimer, celle qui s’exprime dans « Le Pont » et, plus encore, dans « Que c’est doux » ? A-t-on jamais chanté plus superbement les mille et une séductions du corps de la femme, tout en répétant dans un refrain les mots si simples « Mon Dieu que c’est doux ! » ? Merci, Jean-Michel Piton, pour ce superbe album. On ne se lassera pas de le réécouter de nombreuses fois, c’est sûr !
9/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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Jean-Michel Piton - Site Officiel - Auteur Chanteur Comédien et Compositeur
Écouter Jean-Michel Piton, c'est comme regarder la mer. On a sa douceur en plein horizon et l'on entend sourdre les monstres de ses profondeurs. Ce que l'on voit, ce que l'on entend, c'est le ...