Un film de Eskil Vogt.
Dans un des chapitres de son livre intitulé Un jour, le crime, l’écrivain et psychanalyste Jean-Bertrand Pontalis s’interrogeait à propos de la prétendue innocence des enfants en ces termes : « … nous savons depuis Freud et bien avant lui (…) que l’innocence de l’enfant est un mythe, un mythe qui perdure, mais un mythe. Tous les enfants ont des pratiques sadiques envers les animaux, prennent plaisir à arracher ailes et pattes des mouches, se réjouissent de voir leur chat terroriser une souris avant de la dévorer ou encore tirent avec leur fronde sur des moineaux en les manquant le plus souvent, ce qui les met en rage. Certains mêmes commettent des crimes, n’hésitent pas à martyriser un de leurs congénères… ».
Or la cruauté de l’enfance est précisément au cœur de ce film aux accents fantastiques. Dès la scène d’ouverture, toute ambiguïté à ce sujet est levée et l’on comprend aussitôt que le titre doit être interprété dans un sens ironique. Ida, la jolie petite fille blonde au visage constellé de taches de rousseur, ne tarde pas à révéler sa vraie nature. Sous son agréable minois, se cache une persécutrice en herbe. Sa sœur autiste assise à côté d’elle, sur le siège arrière de la voiture que conduit leur mère, elle se fait un plaisir de lui pincer fortement la peau. Et ce n’est là qu’un prélude, bien sûr.
La famille d’Ida et d’Anna, la jeune autiste, emménage dans une nouvelle ville, un nouveau quartier, quelque part en Norvège. Bientôt, Ida fait la connaissance de Ben, un garçon plus âgé qu’elle, qui semble habité par des instincts de cruauté encore plus puissants que la fillette, puisqu’il ne tarde pas, devant elle et avec sa complicité, à torturer puis à tuer un chat. Et puis leur cercle s’agrandit avec la survenue d’Aisha, une petite fille de couleur au visage marqué par des défauts de pigmentation.
Et le film prend bientôt une connotation fantastique lorsque les quatre enfants découvrent qu’ils sont dotés de pouvoirs supranaturels : capacité de déplacer des objets à distance ou de les briser, de communiquer par la pensée ou, même, de transmettre des ordres et d’influer sur la volonté d’un individu à distance. Ce sont, en somme, des phénomènes assez classiques dans ce genre de films, mais que ce soit des enfants qui en soient pourvus et que ceux-ci, et en particulier Ben, les utilisent pour semer la souffrance et la mort autour d’eux, ça n'a rien de banal. C’est, en tout cas, ce qui donne son aspect particulier au film et glace d’effroi. Non, décidément, nous nous garderons de dire ou de penser que les enfants sont des êtres innocents. Jean-Bertrand Pontalis avait raison de parler de « mythe ».
7/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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THE INNOCENTS Bande Annonce (2022)
THE INNOCENTS Bande Annonce (2022) Thriller, Drame© 2022 - Kinovista
Jean-Bertrand Pontalis - Wikipédia
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre. Jean-Bertrand Lefèvre-Pontalis, né le à Paris, et mort le dans la même ville, est un philosophe, psychanalyste, éditeur et écrivain français ...