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THE SOUVENIR I et II
THE SOUVENIR I et II

Un film en deux parties de Joanna Hogg.

 

 

Joanna Hogg, 61 ans, est une réalisatrice britannique qui n’en est pas à son coup d’essai. Pourtant, curieusement, ses films n’avaient encore jamais traversé le Channel pour être diffusés sur les écrans français. Le diptyque que nous pouvons maintenant découvrir se compose, en vérité, des quatrième et cinquième longs-métrages de cette cinéaste. Et il est d’ailleurs prévu de sortir chez nous, dans le cours de cette année, plusieurs autres de ses films.

Après avoir découvert les deux volets de The Souvenir, l’on peut estimer cependant que c’est un choix heureux que de nous faire appréhender la filmographie de Joanna Hogg par cette porte-là (ou ces deux portes-là). J’écris cela compte tenu de la complexité de ces films et je suis bien conscient que les choix exigeants de mise en scène ici proposés rebuteront un certain nombre de spectateurs. Ces films demandent, pour être appréciés à leur juste valeur, de ne pas se contenter de les regarder passivement, et l’effort requis est d’autant plus grand que l’on a affaire à deux films qu’il est préférable, si c’est possible, de voir l’un à la suite de l’autre.

La porte d’entrée dans la filmographie de Joanna Hogg semble être judicieuse, écrivais-je, parce que ces films s’imprègnent fortement d’un contenu autobiographique. Dans le premier volet, la cinéaste recompose, à sa manière, un épisode complexe de son propre itinéraire, celui où, alors qu’elle n’était encore qu’une étudiante qui apprenait à faire du cinéma, elle avait vécu une relation compliquée, heureuse et douloureuse à la fois, avec un homme dont elle ne tarda pas à découvrir qu’il était héroïnomane. Dans le film tel qu’il se présente à nous, la jeune femme se prénomme Julie (et elle est jouée par Honor Swinton Byrne, la révélation de ce film) et l’homme Anthony (joué par Tom Burke). Cette histoire, la cinéaste se garde de la raconter platement, linéairement. En fait, elle respecte les limites suggérées par le titre du film. Il s’agit d’un souvenir et ce souvenir ne se propose que fragmentairement. Il faut le prendre ainsi, tout en se laissant surprendre par les mille suggestions d’une mise en scène inventive. Rien n’est anodin, m’a-t-il semblé, surtout pas les choix musicaux avec, en particulier, les nombreux extraits du Château de Barbe-Bleue (l’unique et prodigieux opéra de Béla Bartók) imprégnant tout le premier volet du diptyque. Un premier volet qui s’achève comme en s’ouvrant sur l’inconnu (la gigantesque porte ouverte d’un studio de cinéma).

Les portes, justement (celles du Château de Barbe-Bleue ?) sont présentes également dans le deuxième volet, mais au lieu d’être gigantesque, il peut y en avoir de trop basses et trop étroites. Plus complexe encore, ce deuxième volet, qui met en scène Julie et ses compagnons d’études, mais aussi leurs enseignants. Avec, pour Julie, la nécessité de bâtir et de réaliser un projet cinématographique qui sera son travail de fin d’études. Or, le projet qu’elle conçoit repose précisément sur l’histoire qu’elle vient de vivre et d’éprouver avec Anthony. Autrement dit, Joanna Hogg a filmé sa propre histoire en mettant en scène une apprentie cinéaste qui, elle-même, s’engage à réaliser un film se basant sur son histoire. Ce deuxième volet pourra sembler encore plus lâche, plus flottant, que le premier, mais c’est pour rendre justice aux hésitations mêmes de Julie, aux critiques que lui adressent ses professeurs, à ses propres difficultés à mettre de l’ordre dans ses souvenirs, sans compter l’ingérence des fantasmes et des rêves qui, tout à coup, surgissent sur l’écran. Il y a de quoi dérouter, il faut le dire, mais il y a aussi et surtout de quoi être fasciné par l’ambition réussie d’un tel projet, une triple mise en abyme pour le moins impressionnante.  

8,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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