Un film de Vincent Le Port.
Exhumer, pour en faire un film, une vieille histoire criminelle ayant eu lieu, dans le Cantal, en 1905, pourquoi pas ? L’intérêt de mettre en scène cette affaire est d’autant plus grand que c’est le meurtrier lui-même qui, à la demande d’un criminologue chargé d’examiner son cas, s’est mis à raconter sa vie. Il le fit par écrit, mais aussi face aux trois messieurs qui le questionnaient abondamment, sans doute pour déterminer s’ils avaient ou non affaire à un fou.
C’est donc, tantôt sous le feu des questions qui lui sont posées dans la salle où il comparaît, tantôt par le biais de la voix off du criminel en train de retracer des faits marquants de sa vie, qu’est construit l’ensemble de ce film. Néanmoins, dès le début, dès la scène introductive, un aspect de la réalisation paraît de mauvais augure pour la suite. Nous voyons, en effet, un plan rapproché d’un jeune garçon en train de commettre son acte criminel. Dans un premier temps, rien à redire, seuls apparaissent son buste et son visage, bientôt aspergés d’une giclée de sang. Le plan suivant, qui nous montre la victime décapitée, est beaucoup plus contestable, et ce n’est que le prélude à ce qui va suivre.
Par bien des aspects cependant, ce film mérite des louanges. Le choix de Dimitri Doré, jeune acteur venu du théâtre, pour interpréter le rôle de Bruno Reidal, le meurtrier, s’avère totalement convaincant. Pour brosser le portrait d’une famille de paysans du Cantal dans la France du début du XXème siècle, le réalisateur s’y prend avec un indéniable savoir-faire, montrant combien la vie pouvait être dure et frustrante pour un garçon de la campagne, sommé d’aider ses parents, tant leur charge de travail était lourde à porter. Il est dommage, cependant, de n’avoir pas développé davantage cet aspect, tant le poids de peine qui en émane paraît primordial.
Des idées de meurtre surgissent très tôt dans la tête de Bruno Reidal, dès l’âge de six ans, affirme-t-il. Quand il voit tuer le cochon comme on le faisait, à cette époque, dans les fermes, il en éprouve un choc et, bientôt, réalise qu’il serait possible de tuer un homme de la même manière. Ces idées-là grandissent en lui, démesurément, au fil du temps. Et, quand, adolescent, à la suite d’une mission catholique organisée par un prêtre de son diocèse, le garçon se résout à intégrer le petit séminaire, cela n’arrange rien. Au séminaire, en effet, lui seul a encore des allures de paysan, lui seul n’arbore pas de cravate. Solitaire et taciturne, il envie ses camarades, malgré ses réussites scolaires.
Mais la jalousie seule ne suffit pas à expliquer le crime. Peut-il d’ailleurs y avoir une explication satisfaisante ? Or, malheureusement, le film insiste exagérément, lourdement, maladroitement, sur un aspect qui finit par presque tout envahir, au détriment de tout autre élément. Ce qui accapare ainsi le film, c’est la sexualité du garçon et, en particulier, son besoin irrépressible de se masturber plusieurs fois par jour. Qu’il puisse y avoir un lien entre la pulsion sexuelle et la pulsion de meurtre, c’est très envisageable. Mais le film ne se focalise bientôt plus que sur cet aspect, au point de risquer de provoquer, chez le spectateur, une impression de saturation très dommageable. D’autant plus qu’on a affaire à un réalisateur qui, et j’en viens au point le plus regrettable du film, se croit tenu d’en montrer le plus possible. Ainsi de ce plan superfétatoire sur le sperme du garçon ayant éjaculé sur un tronc d’arbre. Et, bien sûr, quand arrive le moment fatal où Bruno Reidal passe à l’acte, tuant en le décapitant un garçon d’à peine douze ans, le cinéaste ne nous épargne rien, nous prenant, nous les spectateurs, pour des imbéciles à qui il faut tout montrer, même ce qu’il y a de plus atroce. Sans doute nous considère-t-il comme trop idiots pour comprendre ce qui s’est passé s’il ne nous le met pas sous les yeux !
C’est déplorable, car il y avait moyen de faire un film de qualité avec cette histoire. Encore aurait-il fallu ne pas trop se prendre pour un émule de Zola et encore aurait-il fallu accorder un peu d’espace aux spectateurs en pariant sur leur intelligence !
4/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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