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NOTRE-DAME BRÛLE

Un film de Jean-Jacques Annaud.

 

 

« Tout ce qui semble faux est vrai », indique une citation mise en exergue au film. Il est bon de le préciser dès le départ car, pour sa nouvelle « guerre du feu », après celle qui faisait s’affronter des tribus de la préhistoire dans un film sorti en 1981, Jean-Jacques Annaud, à nouveau, comme il sait si bien le faire, non seulement s’ingénie à reconstituer, presque minute après minute, un événement, en l'occurrence celui qui stupéfia Paris et la France, ainsi que des hommes et des femmes du monde entier : l’incendie de Notre-Dame survenu le 15 avril 2019, mais il le fait en mettant volontiers l’accent sur ce qui paraît le plus étonnant, si ce n’est le plus invraisemblable.

Pour ce qui concerne l’aspect spectaculaire du désastre, pas d’inquiétude à avoir. Avec un cinéaste de la trempe de Jean-Jacques Annaud, tous les plans sur la cathédrale en feu, autant les plans d’ensemble que les plans plus resserrés, sont parfaitement maîtrisés. Le feu semble être un personnage à part entière du film, son personnage principal à vrai dire, que les mouvements d’appareil, les reconstitutions, les multiples effets et les ajouts numériques cernent de toutes les manières possibles. On en reste baba.

Cet aspect-là, s’il est extrêmement impressionnant, s’affirme cependant, peut-être, au détriment de la qualité du film dans son ensemble. Car si le feu est le personnage primordial du film, tous les autres personnages, malheureusement, semblent manquer de consistance. Hormis le régisseur (et encore !), aucun ne se détache vraiment. Il manque au film d’adopter des points de vue, de se glisser, en quelque sorte, dans le regard de quelques-uns des protagonistes. On a surtout le sentiment, en voyant le film, d’avoir affaire à un de ces films-catastrophes dont le cinéma raffolait jadis, qu’on allait voir pour le spectacle et qu’on se hâtait d’oublier aussitôt après les avoir vus.

Certes, dans le film de Jean-Jacques Annaud, il y a deux axes majeurs qui contribuent à créer le suspense en se focalisant sur certains des intervenants. Le premier axe, bien sûr, c’est celui des pompiers, des héros sans doute, des hommes et des femmes de courage, c’est sûr. La mise en scène les met à l’honneur, tout en insistant sur les détails techniques de leurs interventions, sur leurs hésitations et sur leurs audaces. Cela étant dit, aucun ne se détache vraiment du lot et si on parvient à les différencier quelque peu, ce n’est que de façon superficielle. Le deuxième axe, quant à lui, pourrait être désigné ainsi : il faut sauver la relique de la couronne d’épines du Christ ! Acquise à grand prix par saint Louis, elle est le fleuron du trésor de la cathédrale. Or non seulement elle est enfermée dans un coffre, mais pour pouvoir la sauver avant qu’il ne soit trop tard, il faut qu’intervienne le régisseur, seul homme capable de s’y retrouver dans l’incroyable emmêlement de clés de la cathédrale. Or, quand il apprend que celle-ci est en train de brûler, le régisseur se trouve au château de Versailles. S’ensuit une course contre la montre pour arriver à temps jusqu’au coffre, l’ouvrir et sauver la précieuse relique. Jean-Jacques Annaud se fait évidemment un malin plaisir de multiplier les obstacles et les péripéties qui donnent à la course folle du régisseur des allures de scènes de thriller.  

On nous l’a dit dès le début et je le répète, tout est vrai dans le film, même ce qui paraît le plus faux. Cela dit, si l’on admire certaines de ses prouesses de réalisation, on ne peut guère s’empêcher de trouver que le cinéaste y va un peu trop fort, dans le registre des effets censés provoquer nos émotions de spectateurs jusqu’à nous faire verser une larme. Larme que, justement, il n’a pas résisté à montrer coulant sur le visage de la statue de la Vierge vénérée dans la cathédrale. Cette statue près de laquelle une petite fille, échappant à sa mère et entrant dans l’édifice alors que celui-ci vient d’être évacué, dépose une veilleuse allumée et se met en prière, avant que sa mère ne vienne la rattraper pour la faire à nouveau sortir. Cette petite fille, nous la retrouvons à la fin du film, regardant la télévision, pendant que sa mère s’est endormie, apprenant que Notre-Dame a pu être sauvée du pire puis allant se mettre au lit, l’esprit reposé. Nul besoin d’être très fûté pour comprendre que, si la cathédrale n’a pas été totalement détruite, ce n’est pas seulement du fait des efforts des pompiers, mais aussi (et peut-être surtout) du fait de la grâce qui émanait de la Vierge que priait l’enfant. On peut trouver cela très beau et très touchant comme on peut aussi estimer que le réalisateur aurait pu se passer de cet excès de sensiblerie. Au choix. 

7/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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