Un film de A. J. Edwards.
On se demande bien pourquoi ce film, sorti aux États-Unis en 2014, a mis huit ans à parvenir jusqu’aux salles de cinéma françaises. Est-ce parce qu’il est question d’Abraham Lincoln et que les distributeurs de chez nous ont considéré qu’un tel sujet était trop spécifiquement américain ? Pourtant, cela n’a pas été un frein quand il s’est agi de programmer le film sur Lincoln de Steven Spielberg (2012). Il est vrai que c’était Spielberg… Un Spielberg, néanmoins, très bavard, très académique et assez peu captivant, à mon humble avis. Pour trouver un film de qualité sur Lincoln, il vaut mieux remonter jusqu’à 1939, année qui vit la projection sur les écrans de Vers sa destinée, un excellent film de John Ford sur la jeunesse du futur président des États-Unis avec, dans le rôle de celui-ci, un Henry Fonda très inspiré.
Le film d’A. J. Edwards remonte encore davantage dans la vie d’Abraham Lincoln, jusqu’à l’année 1817 (il est né en 1809). Nous sommes dans l’Indiana, au milieu des bois, là où se sont établis les parents du jeune Abe (Braydon Denney), son père Tom (Jason Clarke) et sa mère Nancy (Brit Marling). Ce sont des gens modestes qui mènent une vie rude au contact de la nature. Dans un tel environnement, dans une telle solitude, l’essentiel des journées se passe à travailler pour pouvoir subsister. Et, quand il est question d’envoyer Abraham à l’école, Tom, le père, réagit négativement. C’est un homme tout de rudesse, qui n’hésite pas à frapper de verges son fils s’il estime qu’il doit être châtié. Heureusement, il reste la tendresse maternelle : c’est elle, la mère, qui est un des deux anges auxquels fait référence le titre du film.
Or, Nancy décède, encore très jeune, d’une maladie et le père décide de se remarier. Il se trouve une nouvelle épouse en la personne de Sarah (Diane Kruger), une toute jeune veuve. Elle s’y prend si bien qu’elle ne tarde pas à se faire adopter par Abe, au point de devenir, pour lui, tout comme la défunte Nancy, un ange de bonté et de compréhension. Elle parvient même à amadouer quelque peu Tom, son époux, lui faisant accepter la nécessité, pour son fils Abe, de recevoir enfin l’instruction qu’il mérite. C’est ainsi que l’enfant est solarisé, première étape vers sa destinée, pour reprendre le titre du film de John Ford.
Pour ce qui concerne le style, cependant, le film qui nous parvient aujourd’hui a assez peu de points communs avec celui de Ford. Dans Sous l’aile des anges, on reconnaît, très nettement, l’influence de Terrence Malick, qui est d’ailleurs le producteur du film. Racontée, tout du long, par une voix off, celle d’un cousin d’Abraham Lincoln, l’enfance sauvage de ce dernier se décline sous forme de plans courts et élégiaques, sans nul besoin de beaucoup de dialogues. Et, même si les plans se succèdent rapidement, c’est une impression de contemplation qui s’impose, augmentée encore lorsque surviennent des plages musicales de toute beauté (quelques mesures d’une symphonie de Bruckner ou de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák, entre autres). Ainsi s’imprègne-t-on des existences austères des membres de la famille Lincoln, des rudesses du climat, mais aussi des beautés de la forêt et des rivières, de la dureté du travail de la terre, mais aussi des jeux des enfants, de la solidarité des pionniers, mais aussi de l’effroi (pour le jeune Abe) de voir surgir, sous ses yeux, des esclaves enchaînés. Le tout, néanmoins, laisse, au bout du compte, une impression de grande beauté, ne serait-ce que grâce aux deux touchants personnages féminins, les anges bienveillants qui se sont succédé pour prendre soin du jeune Abraham Lincoln.
8/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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SOUS L'AILE DES ANGES Bande Annonce (2022) Diane Kruger
SOUS L'AILE DES ANGES Bande Annonce VOSTFR (2022) Diane Kruger© 2022 - Ed Distribution