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CŒURS VAILLANTS

Un film de Mona Achache.

 

 

Des enfants juifs qui, pour se soustraire aux rafles voulues par l’occupant nazi pendant la Seconde Guerre mondiale, trouvèrent un refuge précaire, au moins pendant un temps, dans un abri de fortune au cœur d’une forêt, il y en eut plusieurs exemples. Je rappelais récemment celui d’Aharon Appelfeld, du côté de l’Ukraine actuelle, en commentant La Stupeur, le dernier roman qu’il rédigea avant son décès en 2018. Le film, lui, se situe en France, d’abord à l’intérieur du château de Chambord, puis au profond de la forêt environnante.

Arrivés enfermés dans des caisses, parmi celles qui transportaient des tableaux et des œuvres d’art en provenance, entre autres, du Louvre, les six enfants et adolescents juifs, dont les parents firent partie de ceux qui furent arrêtés le jour de la rafle du Vel’ d’Hiv’, sont pris en charge par Rose (excellemment interprétée par Camille Cottin), la conservatrice du musée du Louvre, malgré les réticences de Pierre (Swann Arlaud), le responsable du dépôt de Chambord. Historiquement, il n’y a pas eu d’enfants juifs cachés à Chambord, ce qui n’enlève rien à la crédibilité du film, lui-même inspiré par l’histoire de la grand-mère de la réalisatrice. Il faut d’ailleurs louer l’habileté avec laquelle la cinéaste exploite le décor fabuleux du château, des pièces immenses, des greniers poussiéreux, des toits aux multiples cheminées et tourelles.

Une officière allemande qui a pour mission première de subtiliser les tableaux dont les propriétaires étaient des Juifs pour les envoyer de l’autre côté du Rhin apparaît, à plusieurs reprises, menaçante comme une mauvaise sorcière de conte, ce qui oblige à chercher une cachette plus sûre. La forêt semble idéale, avec ses cabanes construites par des habitants du pays. L’un d’eux, un jeune garçon, se fait fort de guider les enfants, de les conduire à leur nouvel abri. On peut remarquer, cependant, que, si les enfants bénéficient de l’aide de quelques adultes, y compris du curé, ce n’est jamais, sauf dans le cas de Rose à la fin du film, au prix d’un engagement total, trop risqué, sans doute, à leurs yeux.

Ce qui domine, par conséquent, dans le film, ce sont les scènes de débrouillardise des enfants et adolescents au cœur de la forêt, avec ce qu’elle signifie en fait de beauté (les animaux, entre autres les cerfs et les biches), de ressources (les mûres, les champignons, les œufs), mais aussi de dangers (des fossés pleins d’eau et de vase). Plus ou moins livrés à eux-mêmes pendant une bonne partie du film, les jeunes protagonistes exacerbent leurs traits de caractère. Il y a là-dedans comme un modeste reflet de Sa Majesté des Mouches, le fameux roman de William Golding décrivant une société d’enfants évoluant dans une nature sauvage, sans adulte. Entre l’insouciance propre aux enfants et l’obligation de se confronter à de sombres réalités, il faut tâcher d’aller son chemin de salut. Pour interpréter ces rôles, les six enfants et adolescents (sept avec celui qui leur vient en aide) sélectionnés par la réalisatrice et son équipe font merveille. Même lors des scènes les plus difficiles, ils s’en sortent avec une étonnante maîtrise.  

7,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Histoire
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