Un roman de Richard Llewellyn.
Qu’elle était verte ma vallée ! Si ce titre est connu aujourd’hui, c’est sans doute, en premier lieu, du fait du film réalisé par John Ford en 1941, un des films les plus célèbres de ce réalisateur (et pour de bonnes raisons, car c’est, sans nul doute, un de ses chefs d’œuvre). Cependant, comme toujours, y compris quand il est question de films ayant une grande et juste renommée, il est intéressant, voire passionnant, d’aller à la découverte des romans que les scénaristes se sont ingéniés à adapter. Qui plus est, dans le cas de Qu’elle était verte ma vallée, c’est la promesse d’un constant bonheur de lecture qui se présente à qui aura la curiosité d’en parcourir le texte.
Richard Llewellyn, l’auteur, écrivit une petite dizaine de romans, qu’il serait peut-être judicieux d’éditer ou de rééditer en français. Dans Qu’elle était verte ma vallée !, ouvrage qui fut édité en 1939, lui qui était né à Londres, mais dont les parents étaient gallois d’origine, il évoqua cette terre de ses ancêtres à laquelle il demeura, sa vie entière, très attaché. Pour ce faire, il situa l’action du roman dans la vallée qui lui donne son titre, vallée où l’on a trouvé du charbon que l’on s’est empressé, bien sûr, d’exploiter. Tout au long du récit, l’on perçoit d’ailleurs les changements qui, du fait de la mine, affectent de plus en plus l’environnement. Encore bien verte au début du roman, la vallée devient, au fil du temps, de plus en plus grise du fait des déblais que l’on extrait du sous-sol et dont on ne sait rien faire d’autre que les entasser sous forme de terrils.
C’est dans ce cadre que l’auteur nous fait faire la connaissance d’une famille, la famille Morgan, dont tous les membres de sexe masculin travaillent déjà à la mine, excepté le petit dernier, le jeune Huw, qui n’a que douze ans au début du livre. C’est le regard de cet enfant, bientôt adolescent, que Richard Llewellyn eut la bonne idée de privilégier. Tout ce que l’auteur rapporte, c’est ce que ce garçon perçoit, ce qui donne au roman un ton particulier et en fait un magnifique récit d’apprentissage.
Les principaux événements rapportés par l’auteur furent fidèlement conservés dans l’adaptation cinématographique de John Ford, si ce n’est que certains d’entre eux, sans doute sous l’influence du producteur Darryl F. Zanuck, furent minimisés par rapport à la place qu’ils occupent dans le roman. C’est le cas, en particulier, de tout ce qui touche aux grèves et à la constitution d’un syndicat. On notera, à ce sujet, les dissensions au sein de la famille Morgan, entre Gwilym, le père, homme très croyant qui s’en remet à la volonté de Dieu, et ses fils, tous engagés dans la lutte pour les droits et la justice, quitte à se quereller avec leur père et même à quitter le foyer. « Je parlerai dans cette maison et partout où je rencontrerai l’injustice », s’exclame Owen, un des fils, face à Gwilym qui lui enjoignait de se taire. D’autres tensions surgissent, plus tard, quand Morgan le père est nommé inspecteur des mines, ce que beaucoup de ceux qui y travaillent conçoivent comme une trahison.
Même si elles ne vont pas à la mine, les femmes, elles aussi, occupent une place importante dans le roman, que ce soit la mère de Huw, une femme qui, à l’occasion, sait faire preuve d’une belle indépendance d’esprit (ainsi quand elle donne son approbation à Huw qui est allé traiter d’hypocrites ceux qui fustigeaient une femme accusée d’adultère), ou sa sœur Angharad ou sa belle-sœur Bronwen. Au cœur de l’ouvrage, se déploie une histoire particulièrement touchante, dont Huw est l’un des témoins privilégiés. Elle concerne Gruffyd, le pasteur de la communauté villageoise, et Angharad, la sœur de Huw, qui est une femme mariée. Gruffyd est décrit, au long de l’ouvrage, de manière contrastée : assez peu sympathique au début, parfois dur dans ses jugements, il s’humanise de plus en plus, se dépensant sans compter, par exemple, pour nourrir des affamés, et fait preuve d’une grande lucidité (pour lui, il en est persuadé, la plupart de ceux qui viennent à la chapelle le font parce qu’on leur a inculqué la peur et non par amour du Christ). Or, entre ce pasteur et Angharad, grandit un amour réciproque qui ne peut se concrétiser, mais que les médisants du village ne se privent pas de commenter abondamment. Huw, qui n’hésite pas, quand il le juge nécessaire, à se battre au nom de la justice, se montre particulièrement proche du pasteur.
Il y a abondance de personnages dans ce roman, mais ceux que j’ai nommés se détachent d’une manière particulière. Et, bien sûr, au centre du dispositif romanesque, il y a le narrateur, le jeune Huw, qui, à la surprise quasi générale, fait le choix d’aller, à son tour, travailler à la mine, plutôt que de briguer un métier mieux reconnu, lui qui le pourrait, ses capacités intellectuelles étant suffisamment remarquables pour ce faire. Mais le garçon se refuse à abandonner les siens, il ne se croit nullement supérieur à eux. C’est avec lui, par ses yeux, que nous appréhendons toute chose, la vallée de moins en moins verte, le travail éreintant de la mine, les injustices, les querelles, les solidarités, les amours, les épreuves, les préjugés, les engagements, la religion, le temps qui passe et efface tout. Un roman en tout point remarquable, sans nul doute, tout comme le formidable film de John Ford.
9/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
L'histoire Au moment de quitter sa maison natale, Huw Morgan se remémore son enfance passée au début du siècle dans un petit village minier du Pays de Galles. Ce seront tour à tour l'évocatio...
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