Un film de João Pedro Rodrigues.
Si l’on décernait, chaque année, la palme du film le plus pittoresque ou le plus non-conformiste, nul doute qu’elle aurait été remportée, plus d’une fois, par l’un ou l’autre des cinéastes du Portugal. Nombre d’entre eux se sont plu à sortir des sentiers battus, d’une manière ou d’une autre, à l’exemple d’un João César Monteiro (1939-2003), d’un Manoel de Oliveira (1908-2015) ou d’un Miguel Gomes (né en 1972). Avec Feu Follet, João Pedro Rodrigues n’est pas en reste, tant ce film paraît surprenant en comparaison avec ce qu’on voit habituellement sur les écrans.
Il suffit au cinéaste d’une durée de 67 minutes pour nous raconter une histoire de passion homosexuelle entre deux pompiers ! De ce point de vue, on songe aux films américains du début des années 1930 qui, en règle générale, n’excédaient pas les 60 ou 70 minutes et qui, cependant, ne donnaient jamais le sentiment ni d’expédier la narration ni de négliger la profondeur des personnages. La comparaison s’arrête là car, chez João Pedro Rodrigues, c’est la fantaisie qui domine.
Nous y avons affaire, en effet, à un roi, Alfredo de son prénom, qui, à l’heure de sa mort, se souvient de ses amours de jeunesse avec Afonso (André Cabral), rencontré dans une caserne de pompiers. Mais comment un roi (ou un futur roi) a-t-il pu s’éprendre d’un pompier ? Eh bien, parce qu’il l’est lui-même devenu ! L’excentricité n’a pas de bornes dans un film comme celui-ci et, néanmoins, l’art du cinéaste est tel qu’on ne demande qu’à consentir.
Alfredo (Mauro Costa) donc, voyant le désastre des feux de forêts au Portugal, décide de quitter les dorures de son palais pour revêtir l’uniforme de pompiers et apporter son concours à la lutte contre cette catastrophe. João Pedro Rodrigues brasse avec pertinence les thèmes écologiques auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui et, pour ce faire, s’autorise les moyens les plus divers : des enfants chantant une ritournelle sur la nécessité de protéger les arbres, un extrait d’un discours de Greta Thunberg repris par Alfredo, etc. Puis dans ce cadre, il se hasarde aux scènes les plus osées exécutées par les pompiers, ainsi que son histoire de passion amoureuse. Curieusement, alors que, d’un autre côté, le cinéaste utilise volontiers les ellipses et l’art de la suggestion, il introduit tout à coup quelques plans particulièrement crus dont, à mon avis, il aurait pu se passer sans amputer gravement le film.
Le meilleur et le plus singulier, ce sont les nombreuses scènes ou séquences musicales (parfois chorégraphiées) qui émaillent le film: c’est là que la fantaisie éclate le plus, marquant l’œuvre de sa singularité. Ou comment aborder de grands thèmes : la crise environnementale, les inégalités sociales, le post-colonialisme, l’identité homosexuelle, sans jamais se départir d’une bonne dose d’humour !
7,5/10
Luc Schweitzer, ss.cc.