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TORI ET LOKITA

Un film de Jean-Pierre et Luc Dardenne.

 

 

« Entre 200 et 300 enfants mineurs disparaissent chaque année », affirment les frères Dardenne dans une interview, relayant une information entendue à la RTBF. Ces enfants, ce sont, pour la plupart, des réfugiés venus d’Afrique ou d’autres continents jusqu’en Europe dans l’espoir d’y trouver une vie meilleure. Que deviennent les enfants disparus ? Certains ont peut-être réussi à passer en Angleterre, mais les autres… Beaucoup ont probablement basculé dans la clandestinité, certains ont même été tués…

Le plus dur aussi, rappellent les Dardenne dans la même interview, la plus grande souffrance, c’est la solitude. Comment s’en sortir quand on se sent abandonné, livré à soi-même, sans appui ? C’est sans doute la raison pour laquelle les cinéastes ont imaginé l’histoire de deux d’entre eux qui, venus d’Afrique, se sont inventé un lien de parenté afin d’être plus forts pour vaincre les adversités. Tori (Pablo Schils), un jeune garçon, et Lokita (Joely Mbundu), une adolescente de 17 ans, se sont trouvés, adoptés, pendant leur périple, et désormais affirment à qui veut l’entendre qu’ils sont frère et sœur. Ils l’ont fort bien compris, à deux on est moins vulnérable que tout seul.

Les frères Dardenne ont donc conçu un scénario entièrement articulé sur le lien qui unit l’un à l’autre l’enfant et l’adolescente, imaginant une histoire qui les oblige, tous deux, à traverser des périodes de séparation, ce qui représente une épreuve insurmontable pour l’un et pour l’autre. En vérité, ils ne peuvent se passer l’un de l’autre. Mais leur statut n’est pas exactement le même. Si Tori a réussi à avoir des papiers pour rester en Belgique, ce n’est pas le cas de Lokita. C’est elle, en particulier, qui se retrouve prise dans un engrenage qui l’oblige à gagner beaucoup d’argent par des moyens illicites, en travaillant pour des trafiquants de drogue. De l’argent, elle en a besoin parce que sa mère, restée au pays, ne cesse de lui en réclamer, mais aussi parce que les passeurs qui l’ont aidée à venir jusqu’en Belgique exigent des sommes rondelettes, et aussi pour pouvoir se payer des faux papiers, puisqu’elle ne parvient pas à en avoir de véritables.

Tout cela, les frères Dardenne le font comprendre sans recourir à la moindre scène explicative ou démonstrative. Comme ils font percevoir, très finement, la solidarité indéfectible du jeune Tori pour celle dont il a fait sa grande sœur, ce dont personne ne peut le faire démordre. Les cinéastes composent un film haletant, bouleversant, car, bien sûr, les risques encourus par Tori et Lokita en travaillant pour des trafiquants de drogue sont énormes. Suspicieux, ces derniers prennent mille précautions pour ne pas être repérés mais, quand ils contraignent Lokita à se séparer de Tori, ils ne mesurent pas la force du lien qui unit ces deux-là.

Une fois encore, les Dardenne démontrent, sans ostentation cependant, leur talent tant dans la mise en scène que dans le choix et la direction des acteurs. Les deux acteur et actrice amateurs qui endossent les rôles de Tori et Lokita sont étonnants de justesse. Quand ils se mettent à chanter pour oublier leur peine, soit un beau chant italien qu’ils ont appris en passant par ce pays (Alla fiera dell’Est), soit une comptine de leur Afrique natale, ils sont on ne peut plus touchants.  

8,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Drame
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