Un film de Icíar Bollaín.
Comment traiter du thème du pardon au cinéma tout en évitant de réaliser un film excessivement sentimental, voire lacrymal ? La réalisatrice Icíar Bollaín y parvient remarquablement dans Les Repentis en s’inspirant d’une histoire vraie s’étant déroulée au Pays Basque espagnol.
Durant les soixante ans d’existence de l’ETA, l’organisation basque indépendantiste, il y eut plus de 800 assassinats fomentés et exécutés par ses membres. C’est l’un d’eux, celui de l’ancien gouverneur de la province de Gipuzkoa, Juan Maria Jáuregui, abattu à la terrasse d’un café de Tolosa le 29 juillet 2000 par un commando de trois hommes, que la cinéaste met en scène au début du film, mais pour s’orienter aussitôt vers la veuve, Maixabel Lasa, sa fille Maria, et deux des trois assassins, Ibon Etxezarreta et Luis Carrasco. Ceux-ci, en effet, n’ont pas tardé à être arrêté par la police puis mis en prison. Et c’est là, durant leur longue incarcération, que les deux hommes se mettent à réfléchir à ce qu’ils ont fait. Certains des supérieurs hiérarchiques dont ils dépendaient à l’ETA, certains de ceux qui leur donnaient des ordres étant emprisonnés avec eux, ils réalisent qu’ils avaient eu affaire à des êtres ne valant pas grand-chose. Petit à petit, les deux hommes changent et se mettent à éprouver de la honte, l’un d’eux en venant même à désigner comme une « secte » l’organisation criminelle dans laquelle il s’était fourvoyé.
L’autre pendant du film, c’est la personnalité étonnante de la veuve de l’homme assassiné. Maixabel Lasa n’est pas restée à ne rien faire puisqu’elle est désormais l’une des responsables de l’association des victimes du terrorisme. Or, grâce à certaines dispositions prises par le gouvernement espagnol, voici qu’il lui est accordé la possibilité de rencontrer les assassins de son mari. Femme digne, courageuse, droite, elle accepte ces entrevues, elle veut entendre ceux qui l’ont privée de celui qu’elle aimait. Ces rencontres, la cinéaste les filme dans une sorte de dépouillement extrême, sans effet de mise en scène, simplement en scrutant les visages, ce qui leur donne une intensité toute particulière. Incomprise par certaines des autres victimes de l’ETA, mais soutenue par sa fille Maria, Maixabel Lasa n’en va pas moins jusqu’au bout de sa volonté de réconciliation, de son profond désir de paix. Ce qui nous vaut un final stupéfiant, une scène ultime qu’aucun spectateur ne pourra regarder sans être gagné par une saine émotion. D’autant plus que l’on a affaire à des actrices et acteurs aux jeux toujours très justes : Blanca Portillo dans le rôle de Maixabel, Luis Tosar dans celui d’Ibon Etxezarreta, Urko Olazabal dans celui de Luis Carrasco et Maria Cerezuela dans celui de Maria.
8/10
Luc Schweitzer, ss.cc.