Un film de Lise Akoka et Romane Guéret.
On peut percevoir ce film, à mi-chemin entre fiction et documentaire, comme une sorte de rencontre entre François Truffaut et Ken Loach : le premier, à la fois pour le film dans le film (comme dans La Nuit américaine – 1973) et pour le regard plein d’empathie sur le monde de l’enfance (comme dans L’Argent de poche – 1976), le deuxième pour l’aspect social d’un film tourné dans un quartier sensible, la cité Picasso de Boulogne-sur-Mer. Dans ce premier long-métrage de Lise Akoka et Romane Guéret, tout repose sur une mise en abyme : un réalisateur de cinéma, Gabriel ( Johan Heldenbergh), venu de Belgique avec son équipe, s’est mis en tête de finaliser un projet de film dans le quartier susdit en ne mettant en scène que des habitants du cru, en particulier des enfants et des adolescents. À cela s’ajoute le choix délibéré de n’engager que « les pires » du quartier, les « cas sociaux » ou « cassos » comme on dit. Or si cette option semble tomber sous l’évidence pour le cinéaste, il n’en est pas de même pour un certain nombre d’habitants du quartier qui estiment que, une fois de plus, on risque de « stigmatiser » les quartiers dits sensibles en ne montrant que ce qui ne va pas.
Outre le réel talent des jeunes acteurs amateurs évoluant dans l’ensemble du long-métrage, c’est son aspect le plus intéressant que de questionner, sous tous ses aspects, le fait même de tourner un film dans un quartier comme celui-là, qui plus est avec des enfants et des adolescents. Il n’y a pas que l’éventualité d’une stigmatisation qui pose question, mais aussi les choix des scènes et des procédés mis en place pour les tourner, avec cette caméra qu’on peut juger intrusive, se glissant, pour ainsi dire, partout. D’un autre côté, la présence d’une équipe de cinéma dans un tel quartier, c’est aussi l’occasion d’un brassage, certes occasionnel et transitoire, de classes sociales et de générations différentes. De ce point de vue, certains dialogues du film sont étonnants, alors qu’à d’autres moments il semble ne plus y avoir de dialogue possible.
Malheureusement, d’un point de vue purement formel, le film manque de diversité dans sa mise en scène : l’abondance des gros plans sur les visages finit par donner l’impression d’une systématisation quelque peu lassante. Mais le naturel confondant des jeunes acteurs, les dialogues qui sonnent juste, l’exubérance de leur jeu compensent les quelques défauts de la mise en scène. Au bout du compte, chez ces gens qui se targuent d’être de meilleurs colombophiles que leurs voisins belges, c’est au milieu d’un impressionnant envol de pigeons que le film trouve son apogée et sa fin centrée sur le visage d’un garçon qui prétendait ne jamais pleurer. 7,5/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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LES PIRES Bande Annonce (2022)
LES PIRES Bande Annonce (2022) Mallory Wanecque, Timéo Mahaut, Adolescents, Film Français © 2022 - Pyramide Distribution