Un film de Marie-Castille Mention-Schaar.
Il faut dire un mot de la scène d’ouverture de ce film qui en contient, d’une certaine manière, toute la teneur, un peu comme dans les opéras quand ils débutent, précisément, par une ouverture. Nous sommes en 1985 à Pantin, un soir, et nous découvrons une petite fille qui s’approche à pas feutrés de la salle de séjour de l’appartement familial où ses parents regardent la télévision. Sur l’écran est diffusé un concert, on en voit le chef d’orchestre diriger le Boléro de Ravel. Le père de famille aperçoit sa fille et la fait venir près de lui. Dans les yeux de l’enfant on perçoit une grande fascination pour ce qu’elle voit et pour ce qu’elle entend. Et, bientôt, une de ses mains se met à s’agiter et à battre la mesure. La petite fille a trouvé sa vocation : n’est-ce pas durant l’enfance que se font entendre les grands appels qui marquent la vie entière ?
Ce même Boléro revient à la fin du film pour le clôturer en beauté. Et, à nouveau, l’on aperçoit une fillette, noire cette fois, se mettre à battre la mesure avec ses mains. Entre temps, un peu plus de dix ans ont passé et nous sommes, cette fois, à Stains (93). La petite fille du début est à présent une jeune fille de 17, 18 ans, qui dirige l’orchestre dont elle est elle-même la fondatrice et auquel elle a donné le nom de « Divertimento ». Précisons tout de suite que cet orchestre existe bel et bien et que les personnages du film se fondent sur des personnes réelles. Qui plus est, tous les instrumentistes que l’on voit au cours du film sont de véritables musiciens et non pas des acteurs qui feignent de l’être.
Pour en arriver là, c’est-à-dire non seulement à diriger mais à créer un orchestre, il a fallu, on l’imagine, beaucoup de détermination et de force d’âme à Zahia Ziouani (magnifiquement servie par le jeu de Oulaya Amamra). Il faut dire aussi que la jeune fille a la chance d’être soutenu et accompagné d’une part par ses parents (Zinedine Soualem et Nadia Kaci), son père surtout, mélomane averti et homme de grande exigence, d’autre part par sa sœur jumelle Fettouma (Lina El Arabi), elle-même musicienne, violoncelliste, alors que Zahia, elle, au départ, joue de l’alto.
Mais, bien vite, Zahia fait savoir que sa véritable vocation, c’est de diriger et non pas simplement d’être altiste. Or, la direction d’orchestre reste encore un métier très masculin, à quoi s’ajoute la provenance de Zahia, bientôt confrontée aux moqueries de certains musiciens issus des beaux quartiers de Paris. Elle ne se laisse pourtant pas intimider, elle qui, à l’occasion d’une master class du chef d’orchestre roumain de réputation mondiale Sergiu Celibidache (joué avec conviction par Niels Arestrup), se produit devant lui et parvient à l’impressionner au point qu’elle devient son élève. Celibidache, qui a pourtant déclaré comme une évidence que chef d’orchestre n’est pas un métier de femme, l’accepte néanmoins et fait peser sur elle ses exigences en même temps qu’une sorte de bienveillance.
Le film abonde, de ce fait, en réflexions hautement pertinentes sur ce que doit être, dans l’idéal et du point de vue de Celibidache, la direction d’orchestre. À commencer par la question de base : à quoi sert un chef ? Les musiciens ne sont-ils pas capables de jouer sans être dirigés ? Ils le sont, sans nul doute, mais ce que le chef apporte, c’est non seulement une cohésion et un objectif, mais un souffle ou, si l’on préfère, une âme. Il ne suffit pas de jouer correctement sa partition, il faut insuffler de la vie aux œuvres musicales.
On pourra toujours prétendre que la mise en scène de Marie-Castille Mention-Schaar reste plus ou moins conventionnelle, il n’empêche que, du fait de son excellent casting, de l’abondance des plages musicales et d’une profusion de scènes évocatrices, le film captive d’un bout à l’autre. Et l’on ne peut qu’applaudir à la persévérance et à l’audace de la jeune cheffe (mettons ce mot au féminin !) Zahia Ziouani : convaincre la municipalité de Stains, ce n’est pas rien, parvenir à faire venir dans le 93 de jeunes musiciens très parisiens, c’est un sacré défi !
8/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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