Un film de Carla Simón.
Récompensé par l’attribution de l’Ours d’Or au dernier festival de Berlin, Nos Soleils s’ajoute à la liste d’un certain nombre de films espagnols parus ces derniers temps qui, tous, donnent la preuve de la vitalité de la jeune génération des cinéastes ibériques. Carla Simón filme avec empathie la chronique d’une famille catalane d’agriculteurs, les Solé, cultivant, en particulier, un important verger de pêchers. Or cette activité, qui est leur gagne-pain, d’ailleurs mal rémunérée comme l’indique une scène de manifestation à la fin du film, ils vont devoir la cesser. La faute à qui, à quoi ? La vérité, c’est qu’ils découvrent que le terrain qu’ils exploitent ne leur appartient pas. Il avait simplement été cédé, sur simple parole, au patriarche de la famille par un de ses amis à qui il avait rendu un énorme service. La récompense était belle, mais aucun papier n’avait été signé, pas le moindre contrat, rien du tout, rien que des paroles.
Le descendant de l’ami qui avait offert le terrain au patriarche des Solé, lui, ne veut rien entendre et il est fermement décidé à remplacer les pêchers par des panneaux solaires : « C’est moins de travail et ça rapporte plus ! », plaide-t-il. Il n’accorde qu’un seul été aux Solé pour cultiver encore leurs pêches, puis il abattra les arbres. Quant aux Solé, s’ils le veulent, ils pourront devenir ses employés.
Chez les Solé précisément, même si s’affirme une certaine solidarité, tous ne réagissent pas de la même façon. Le père de famille est certainement le plus dévasté. Son fils, lui, adopte une attitude plus ambiguë. La cinéaste prend un soin particulier à filmer chacun des membres de la famille à égalité, pourrait-on dire, y compris les enfants qui sont au cœur de nombreuses scènes, avec leurs jeux et leurs « bêtises ». Grâce à ce dispositif, le film reste lumineux, solaire, et non pas seulement empreint de la tristesse qui accable les adultes, en particulier le père de famille.
Interprété uniquement par des acteurs non professionnels, le film ressemble presque davantage à un documentaire qu’à une œuvre de fiction. C’est ce qui fait sa force mais aussi sa limite. Car ce qu’on gagne du point de vue de l’authenticité et de la véracité, on le perd quelque peu d’un point de vue disons romanesque. Reste néanmoins une œuvre touchante : les larmes que retenait le père, lorsqu’elles finissent par couler, ne laisseront aucun spectateur indifférent.
7,5/10
Luc Schweitzer, ss.cc.