Un film de Thomas Salvador.
Thomas Salvador aime, semble-t-il, à se mettre en scène lui-même. C’était le cas dans Vincent n’a pas d’écailles, son film précédent en tant que réalisateur, sorti en 2014. Ça l’est à nouveau dans La Montagne où il joue le rôle principal, celui de Pierre, un ingénieur parisien venu à Chamonix pour y présenter sa nouvelle invention, un robot dernier cri. Or, tout en vantant, devant son assistance, les mérites de cette machine, son regard s’attarde et s’évade durant un instant sur le paysage de montagne qu’on voit par la fenêtre. Dès ce moment, une sorte d’attirance irrésistible s’installe et grandit en lui. Plutôt que de retourner à Paris avec ses collègues, il leur annonce qu’il veut profiter des lieux pour y rester deux jours de plus. En fait de deux jours, il ne va plus pouvoir quitter la montagne, prétextant d’abord d’avoir attrapé un virus, puis, les jours passant, allant jusqu’à perdre son emploi. Même des membres de sa famille, qui viennent, au bout de quelque temps, pour essayer de le ramener à la raison (et à la maison), ne peuvent rien y faire.
Cet irrésistible besoin qui a surgi en Pierre, cette nécessité de rompre avec la vie parisienne pour se livrer à corps perdu à la découverte de la montagne, Thomas Salvador la filme admirablement. Ce que Pierre éprouve, le réalisateur parvient à nous le faire partager. Cette montagne en danger, qui a perdu une grande partie de sa mer de glace, dont des pans entiers s’effondrent à cause du réchauffement climatique, nous la voyons, nous la ressentons avec les yeux de Pierre, avec sa fascination. Il s’y aventure de plus en plus, et de plus en plus solitairement, y passant des nuits dans la tente qu’il s’est acheté, y prenant des risques lorsqu’il s’engage sur des parois dangereuses ou pénètre dans des cavités. Il ne devient, pour autant, pas tout à fait un sauvage puisqu’il se lie à Léa (Louise Bourgoin), la gérante d’un restaurant d’altitude. Il lui propose même de venir en montagne avec elle, ce que la jeune femme préfère, sagement, refuser.
Malheureusement, dans sa deuxième moitié, l’attrait que l’on éprouvait jusqu’alors laisse bientôt place à la perplexité. Le réalisateur, en effet, a cru bon de faire subitement bifurquer son film dans une dimension fantastique, étrange certes, mais bien peu captivante. Pierre se retrouve tout à coup en présence de curieuses matières mouvantes et rougeoyantes qui l’attirent comme des aimants. Je ne peux guère en dévoiler davantage sur ce qui suit, afin d’en laisser la surprise aux éventuels spectateurs, mais, pour ce qui me concerne, toute cette deuxième partie m’a paru décevante au regard de ce que la première partie laissait présager. Pourquoi avoir voulu infléchir le film du côté du fantastique ? Je ne le comprends pas très bien, d’autant plus que du point de sa réalisation le film semble perdre en qualité en se hasardant sur ce terrain risqué. Au final, le sentiment qui prédomine, c’est celui sinon de l’inaboutissement, en tout cas de l’insatisfaction.
6,5/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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LA MONTAGNE Bande Annonce (2023) Louise Bourgoin
LA MONTAGNE Bande Annonce (2023) Louise Bourgoin © 2023 - Le Pacte