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TOUTE LA BEAUTÉ ET LE SANG VERSÉ

Un film de Laura Poitras.

 

Lion d’Or à la Mostra de Venise, ce documentaire abondamment nourri de films d’archives et de photographies de l’artiste Nan Goldin se propose comme une sorte d’acte de foi en l’efficacité du militantisme. Même quand les causes semblent perdues d’avance, même quand on a le sentiment de se battre contre beaucoup plus fort que soi, il vaut la peine de persévérer, de ne pas baisser les bras, de s’obstiner, de lutter avec d’autres pour obtenir sinon la pleine justice, en tout cas des changements significatifs.

En l’occurrence, le combat dont il est ici question est celui qu’a engagé, depuis des années, la photographe Nan Goldin contre la société Purdue Pharma et, en particulier, ceux qui en sont les fondateurs et les propriétaires, la famille Sackler. Une famille qui, en connaissance de cause, a mis en vente sur le marché pharmaceutique, en particulier aux États-Unis, un opioïde censé servir d’antidouleur, mais dont on estime qu’il a provoqué le décès de plus de 500 000 personnes. Si Nan Goldin, à qui ce soi-disant médicament fut prescrit, réussit, avec bien de la peine, à se sevrer de la dépendance à ce poison, beaucoup d’autres en furent les victimes.

Or, pour blanchir leur fortune, pour se donner une apparence de philanthropes, les membres de la famille Sackler ont investi une part significative de leur argent dans les musées, y compris, c’est le paradoxe, dans ceux qui exposent des œuvres de Nan Goldin ! Cela n’a pas empêché cette dernière, avec le soutien du mouvement PAIN dont elle fait partie, de participer à des actions d’éclat dans les musées en question, entre autres afin que soit retiré la mention du nom de Sackler à l’entrée de salles ou de galeries. Ce fut le cas non seulement aux États-Unis mais dans d’autres musées du monde, comme au Louvre, un des premiers musées ayant décidé de supprimer le nom de Sackler à l’entrée d’une de ses galeries!

Si ce combat contre cette industrie pharmaceutique occupe une bonne part du documentaire, celui-ci ne se limite cependant pas à cette unique perspective. En fait, c’est tout le parcours de Nan Goldin qui est évoqué, depuis son enfance et la souffrance qui conduisit au suicide sa sœur aînée, internée contre son gré à cause de sa différence, en particulier de son lesbianisme. Ce qui conduisit Nan à quitter le domicile familial le plus tôt possible pour ne pas connaître le même sort. Les nombreux clichés qu’égrène le film montre comment la jeune femme, d’abord introvertie, parvint à trouver sa voie, non sans risques parfois, mais librement dans l’environnement de communautés alternatives peu conformes aux normes qui sclérosait l’essentiel de la société des États-Unis.

Ce film éminemment politique se présente donc à la fois comme une sorte de radiographie de communautés marginales des États-Unis et comme un plaidoyer pour la lutte des petits contre les puissants. Il ne faut pas baisser les bras, il y a moyen, en s’unissant, d’obtenir un peu plus de justice, même contre la cupidité de milliardaires sans scrupules ! 

8/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films, #Documentaires, #photographies
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