Un film de Martin Bourboulon.
Depuis ses débuts, le cinéma a toujours puisé dans les trésors de la littérature (en l’occurrence, française) pour en proposer des adaptations sur grand écran. Cela a donné, dans certains cas, d’excellents films. Mais la question qui se pose aujourd’hui, c’est : pourquoi une nouvelle adaptation des Trois Mousquetaires, un roman qui a déjà connu bien des versions cinématographiques, l’une des meilleures, sinon la meilleure, demeurant, paradoxalement, la version américaine de George Sidney en 1948, avec celui qui est sans doute le D’Artagnan le plus enthousiasmant au cinéma, Gene Kelly ? Pourquoi sortir sempiternellement les mêmes histoires ? Ainsi, annonce-t-on déjà, pour l’année prochaine, une énième adaptation du Comte de Monte-Cristo. D’autres romans, moins connus, de Dumas ne feraient-ils pas tout aussi bien l’affaire ? Ne pourrait-on pas puiser dans l’impressionnante production littéraire de Jules Verne ? Ou dans celle d’Eugène Sue (Le Juif errant par exemple) ? Ou chez d’autres écrivains de romans dits « populaires », Paul Féval (hormis Le Bossu) par exemple ? Ou, de façon plus prestigieuse, chez Balzac, dont bien des romans n’ont pas encore été adaptés au cinéma. Eh bien non ! Il faut croire que les cinéastes, tout comme les producteurs, sont frileux, préfèrent ne pas sortir des sentiers battus et proposer toujours les mêmes titres, ceux qu’ils considèrent comme des valeurs sûres du patrimoine de notre pays !
Cela étant dit, ne boudons pas pour autant notre plaisir. Même si nous connaissons par cœur toutes les intrigues des Trois Mousquetaires, la version nouvelle, son premier volet en tout cas (le deuxième sortira le 13 décembre), ne démérite pas par rapport aux précédentes et on en suit les péripéties avec grand plaisir. Elle a, comme toutes les autres (même celle de George Sidney), ses qualités mais aussi ses défauts. Disons d’abord un mot de ceux-ci. On pourra estimer, avec raison, que les choix de photographie du film sont regrettables. Tout a été filmé au moyen de filtres qui rendent les couleurs ternes, comme délavées, ce qui, à mon avis, n’est pas du meilleur effet et tend même à uniformiser le film, toutes les scènes, en intérieur ou en extérieur, se confondant dans une même grisaille. D’autre part, même s’ils s’en sortent tous avec brio, les acteurs principaux du film paraissent tous trop âgés par rapport à leur rôle. Dans le roman de Dumas, Athos, Porthos et Aramis ont une trentaine d’années et D’Artagnan un peu plus de vingt. Or, les acteurs qui jouent ces rôles dans le film de Bourboulon sont tous bien plus âgés que cela. Vincent Cassel, qui joue Athos, ressemble à un homme qui devrait avoir pris sa retraite. Quant à Romain Duris en Aramis, Pio Marmaï en Porthos et François Civil en D’Artagnan, s’ils n’en sont certes pas à ce stade, ils paraissent néanmoins trop vieux.
Cela étant, le film mérite d’être salué pour ses qualités, qui sont réelles. Hormis les réserves que je viens de noter, la distribution des rôles paraît on ne peut plus judicieuse. On remarquera, en particulier, les excellentes prestations d’Eva Green en Milady, de Lyna Khoudri en Constance Bonacieux, de Vicky Krieps en la reine Anne d’Autriche, de Eric Ruf en cardinal de Richelieu. Mais surtout on applaudira à chacune des apparitions à l’écran de Louis Garrel en Louis XIII : son jeu est toujours du meilleur effet, comme si, tout en s’efforçant d’être à la hauteur de son rang prestigieux, il avait quelque peine à y croire tout à fait. Chacune des scènes avec ce Louis XIII-là est un régal. Pour le reste, malgré les limites dont j’ai parlé, celles de la photographie en particulier, les choix de mise en scène de Martin Bourboulon sont souvent astucieux, ce qui donne lieu à des scènes qui, même si on connaît déjà toutes les péripéties du roman, ont un air de nouveauté. Le réalisateur sait, par exemple, adopter, quand il le faut, le point de vue d’un des personnages pour ne plus le lâcher. Pour ne prendre qu’un exemple, quand Athos est délivré de la prison ambulante qui devrait le conduire à l’échafaud, tout est perçu selon le point de vue du prisonnier, ce qui est un choix de mise en scène parfaitement adapté. Notons enfin que les scénaristes, tout en restant fidèles aux intrigues relatées par Dumas, les ont néanmoins quelque peu relookées, mises au goût du jour, en soumettant, par exemple, Athos à une accusation de féminicide, en rajoutant un complot religieux ou en faisant de Porthos un bisexuel ! Pourquoi pas ? L’essentiel n’est-il pas que ce film, nonobstant ses quelques défauts, apparaisse à notre regard comme un divertissement de qualité ? Sous cet aspect, la réussite est au rendez-vous.
7,5/10
Luc Schweitzer
/https%3A%2F%2Fi.ytimg.com%2Fvi%2Fa_OUHJziaoE%2Fhqdefault.jpg)
Les Trois Mousquetaires - D'Artagnan - Bande-annonce officielle 4K
Un film de Martin Bourboulon avec François Civil, Vincent Cassel, Romain Duris, Pio Marmaï et Eva Green Les Trois Mousquetaires - d'Artagnan au cinéma le 5 avril 2023 / ...