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L’AMOUR ET LES FORÊTS

Un film de Valérie Donzelli.

 

 

On ne se lasse pas de Virginie Efira, très sollicitée pour de nombreux films depuis plusieurs années et qu’on retrouve à chaque fois avec un plaisir intact. Il faut dire que cette actrice ne déçoit jamais : quel que soit son rôle, elle l’incarne avec une quasi perfection. Le bonheur, le plaisir, l’amour, la peur, la souffrance, l’hésitation, la détermination : elle passe d’un sentiment à l’autre en trouvant toujours la note juste et, alors qu’on l’a vue si souvent à l’écran, avec elle tout semble toujours inédit. Elle est sans conteste une des actrices les plus douées d’aujourd’hui et il n’est pas étonnant qu’elle soit si demandée.

Dans L’Amour et les Forêts, adaptation d’un roman d’Eric Reinhardt, co-écrite par Valérie Donzelli et Audrey Diwan (la réalisatrice de L’événement), elle est Blanche Renard et elle exerce le métier de professeure de lettres (comme dans Les Enfants des Autres de Rebecca Zlotowski). Ajoutons qu’elle a une sœur jumelle prénommée Rose (jouée également par Virginie Efira), plus entreprenante qu’elle, qui se fait un devoir de lui faire rencontrer un homme ! Or une rencontre a bien lieu, lors d’une fête privée à laquelle Blanche, entraînée par Rose, a accepté, bon gré mal gré, de participer. L’homme qui la séduit, ce soir-là, porte un nom qui semble prédestiné : Grégoire Lamoureux (Melvil Poupaud). Comment lui résister ? Dès ce premier soir et jusqu’à la date de leur mariage, il se montre charmant autant que charmeur, attentionné et tendre : l’homme idéal, le mari rêvé…

Alors qu’ils étaient sur la côte normande, cependant, Grégoire fait savoir à Blanche qu’ils vont devoir déménager pour Metz où l’employé de banque qu’il est a été muté (c’est ce qu’il prétend). Au revoir la mer et bonjour les forêts ! Le départ se fait en chanson, au point qu’on se demande si l’on va avoir affaire à un film musical. Mais non, cet intermède chanté n’a pas de suite. La voiture qui emporte le couple se perd dans la nuit noire. Arrivé en Lorraine, alors que Blanche a trouvé une place de prof à Nancy (ce qui l’oblige à faire en bus le trajet entre les deux villes), le film bascule dans son envers où le bonheur conjugal se change en enfer.

Tout commence avec une gaffe de Grégoire qui, malgré lui, révèle à Blanche qu’il a menti : il n’a pas été muté à Metz, c’est lui-même qui a demandé ce changement de lieu afin d’éloigner Blanche, le plus possible, de sa sœur Rose ainsi que de sa mère. Dès lors, tout se dégrade de plus en plus, malgré la présence de deux enfants. Valérie Donzelli pratique de nombreux sauts temporels, sans que cela ne soit gênant pour le spectateur. Au contraire, il s’agit là, très certainement, du film le plus accompli de cette réalisatrice à ce jour.

L’enfer qui se referme inexorablement sur Blanche incite cette dernière à trouver désespérément une issue, ou en tout cas une parenthèse pour respirer un peu, éloignée d’un mari harceleur et étouffant. Cette parenthèse avec un homme des bois (Bertrand Belin), gracieux tireur à l’arc, malheureusement débouche sur un surcroit de terreur. Grégoire a pressenti quelque chose, il a senti aussi, reniflé une odeur de shampooing suspecte et devient le pire des tyrans domestiques, questionnant sans répit son épouse dès que leurs enfants sont couchés. La chambre du couple, c’est désormais le lieu d’un implacable despotisme qui pourrait déboucher sur l’horreur totale. De charmeur qu’il était à leur rencontre, Grégoire s’est changé en un monstre domestique parfaitement incarné par Melvil Poupaud, bientôt en un « petit monsieur » hargneux et hideux qui s’acharne à vouloir persécuter sa femme jusque dans la chambre d’hôpital où elle séjourne pendant un temps.

Le film se termine avec une scène terrible, glaçante. Enfin non, pas vraiment, une autre issue est possible qu’une issue fatale. Jusqu’au bout, quoi qu’il en soit, ce film idéalement distribué, grâce à son montage assez nerveux, à ses choix judicieux de mise en scène, nous a tenu en haleine et touché aux entrailles.    

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films, #Drame
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