Un film de Nanni Moretti.
Dans Journal intime, en 1993, Nanni Moretti se filmait en train de circuler à Vespa dans les rues de Rome en été. Aujourd’hui, une des scènes de Vers un avenir radieux nous le montre déambulant sur une trottinette électrique. Le temps a passé, mais c’est avec la même passion que le cinéaste, comme il l’a fait dans plusieurs de ses films, se met lui-même en scène, jouant devant la caméra son alter ego.
Prénommé Giovanni, il se filme ici en réalisateur de cinéma occupé à tourner un nouveau film dans lequel il se propose de raconter l’histoire d’un cirque de Budapest en tournée en Italie en 1956, c’est-à-dire au moment où les chars de l’Union soviétique envahissent la Hongrie, ce qui conduit les membres du Parti communiste italien à débattre de ce qu’il convient de faire.
En vérité, cette trame sert de prétexte à Nanni Moretti pour aborder, très librement, les sujets les plus divers, sur les mœurs des temps, le cinéma, la société. Pour ce qui concerne la vie privée, Giovanni a de bonnes raisons sinon de déprimer, en tout cas de se tracasser. D’une part, sa femme Paola (Margherita Buy) consulte régulièrement un psy pour se donner le courage de le quitter ; de l’autre, sa fille, qui a une vingtaine d’années, présente à ses parents son amoureux, l’ambassadeur de Pologne, qui a trois fois son âge !
Côté cinéma, Nanni Moretti s’amuse, mais toujours avec pertinence, à questionner l’art qui est le sien, un art qu’on ne peut pratiquer qu’à condition de pouvoir le financer. D’où les nombreuses scènes de tractations diverses avec un producteur français pas très clair (Mathieu Amalric), mais aussi avec des investisseurs coréens ou encore en envisageant l’éventualité de passer par Netflix ! Ce faisant, pour illustrer sa réflexion sur ce que doit être le cinéma, Nanni Moretti multiplie les références à des films du passé : entre autres, Lola (1961) de Jacques Demy, La Poursuite impitoyable (1966) d’Arthur Penn et La Dolce Vita (1960) de Federico Fellini. D’autre part, alors que sa femme produit le film d’un jeune réalisateur, un film d’action pour le grand public, Moretti s’interroge avec sagacité sur la question de la violence dans le cinéma.
Enfin, alors que Vers un avenir radieux peut sembler, par bien des côtés, plutôt désabusé, sinon même en proie à la déprime, Nanni Moretti ponctue le film de moments de grâce ou d’humour qui désactivent quelque peu ce qu’il pourrait y avoir de trop pesant. Ces scènes-là sont toutes très réussies. Plusieurs d’entre elles donnent à voir et à entendre des danses, de la musique, des chants, une autre fait voir le cinéaste jonglant avec un ballon de foot, une autre fait surgir un ballon lumineux qui monte vers le ciel, une autre encore, très drôle, fait résonner un hilarant « what the fuck ! » . Comme le dit fort bien Nanni Moretti en personne, « le film traverse différentes crises puis les surmonte grâce au cinéma qui a le pouvoir magique de nous faire redécouvrir la légèreté et l’envie d’être heureux. Malgré tout. ».
8/10
Luc Schweitzer
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Vers un avenir radieux | Bande-annonce
LE 28 JUIN AU CINEMA VERS UN AVENIR RADIEUX de Nanni Moretti Avec Nanni Moretti, Margherita Buy, Mathieu Amalric et Silvio Orlando Compétition - Festival de Cannes 2023 ------------------------ ...